
Avec les arrachages successifs, le vignoble bordelais est en train de perdre autour de 20 000 hectares.
GUILLAUME BONNAUD / SO
Sans surprise, c’est dans l’Entre-deux-Mers que les dégâts sont les plus imposants (1). Cette vaste zone est comprise entre les fleuves Dordogne et Garonne, et s’étire jusqu’au département de la Dordogne à l’Est, et la Réole et Langon au sud. C’est là qu’est produit l’essentiel des vins en AOC Bordeaux (rouge, blanc, rosé), l’appellation de base, celle qui est la moins valorisée sur les marchés. Ce vignoble très étendu – et pas le plus connu ni des amateurs ni des Bordelais – assure près de 40 % des volumes totaux du département.
Crise du vrac
Ici, tous les centimes comptent. La crise du vrac, avec des cours plombés autour de 700 euros le tonneau (77 centimes le litre de vin), alors qu’il en faudrait le double pour gagner correctement sa vie, a mis nombre de vignerons à genoux. Les primes d’arrachage – 4 000 ou 6 000 euros selon les cas – ont convaincu beaucoup d’entre eux, notamment ceux proches de la retraite et sans successeur, qu’ils soient en cave particulière ou coopérateurs. Certains ont arraché toute leur exploitation, 40 hectares et plus. L’avenir est d’autant plus bouché dans cette zone que le prix de la terre s’est écroulé : moins de 8 000 euros par hectare. Le capital foncier est perdu. Autre point : l’Entre-deux-Mers, autrefois surtout une zone d’élevage et de polyculture, a beaucoup planté de vigne, et pas toujours sur de bons terroirs. Aujourd’hui, pour certains, la sanction tombe.
Tous ceux qui circulent dans le département constatent qu’il y a des parcelles arrachées partout
La deuxième région la plus touchée est la Haute Gironde. Il faut dire que l’AOC Blaye, la principale de la zone, avec 4 400 hectares en production, est très vaste. Positionné, au niveau hiérarchique, juste au-dessus de l’AOC générique Bordeaux, le groupe des côtes (Blaye, Bourg, Castillon, Cadillac) est très touché par l’arrachage.
Tous ceux qui circulent dans le département constatent qu’il y a des parcelles arrachées partout, y compris autour de Saint-Émilion, dans les Graves et dans le Médoc. Attention cependant : parcelle arrachée ne veut pas dire forcément propriétaire en difficulté. Dans une logique de rationalisation économique, certains redimensionnent leur exploitation en éliminant les moins bonnes parcelles (gélives, cépage inadapté) pour se concentrer sur les meilleures, celles qui donneront les vins ayant le plus de chance de se vendre. Ceux qui ont arraché avec des primes ne pourront pas replanter, les autres si. Si les ventes repartent, on pourrait donc avoir de nouvelles plantations.