Perdre son camion, son lieu, et toute une clientèle fidèle : pour Nathalie, la patronne de la sandwicherie « Chez la Ch’ti », l’année 2025 avait commencé comme un naufrage. Installée depuis cinq ans à La Garde, au Tristan, elle avait dû quitter les lieux en janvier. On lui annonçait un projet immobilier. Les immeubles n’ont jamais vu le jour, mais son camion, lui, n’a pas survécu. « J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps », confie-t-elle. « Je perdais mon outil de travail, mes clients, mes frites… C’était une institution. Les jeunes venaient depuis des années, je les ai vus devenir parents. »
Pendant huit mois, elle reste sans emploi, privée de ce qui rythmait son quotidien depuis deux décennies. Car avant Le Tristan, Nathalie avait déjà roulé sa bosse : vingt ans sur le parking de Grand Var, coincée entre Toys et Buffalo. Là, elle servait depuis un grand camion, qu’elle appelait « le plus beau du Var ». Le nom figurait en grosses lettres : « Snack chez la Ch’ti ».
Une troisième vie, et sans doute la dernière
La chute aurait pu durer. Puis un matin, presque par hasard, une annonce lui saute aux yeux : un petit snack à vendre, pas loin d’où elle habitait. Elle visite. À peine franchie la porte, la jeune propriétaire lui lance : « Si c’est pour vous, j’enlève l’annonce. » Et elle tient parole. Elle patiente, refuse d’autres acheteurs, et lui laisse tout le temps nécessaire pour réunir la somme. « Elle ne voulait le vendre à personne d’autre. »
Ce geste, Nathalie ne l’oubliera pas. Grâce à lui, elle peut racheter le lieu. L’été qui suit est une tornade. « Quand j’ai rouvert, j’étais sur les rotules, mais tellement heureuse. » Finis les mois d’incertitude : elle retrouve un comptoir, une friteuse, et surtout ce lien avec les habitués qui faisait la force de son métier.
Aujourd’hui, la sandwicherie La Ch’ti renaît dans ce nouvel emplacement, modeste mais vivant. Une réouverture presque miraculeuse, comme une dernière pirouette du destin. « J’ai ressuscité pour la troisième fois », sourit-elle. Cette fois, dit-elle, ce sera la bonne : « Après, j’aurai 70… 75 ans. Ce sera fini. »
En attendant, elle a repris sa place dans le paysage gardéen. Les premiers clients reviennent, parfois avec leurs enfants, parfois avec leurs souvenirs. L’histoire, commencée dans un camion aux couleurs du Nord, continue donc autrement, mais intacte dans son esprit : généreuse, tenace, profondément humaine. Une fin heureuse, comme on les raconte rarement, mais qui, ici, se vit chaque midi, derrière un comptoir qui n’a jamais cessé de rassembler.
contact : 6 allée des 4 chemins à La Garde (face à Jardiland) 06.11.75.61.56.