Il est 15 heures tout pile lorsque Cécile et Azélie envoient la corde pour amarrer leur cher Bernick au quai d’honneur du port de Toulon. Sur la berge, l’ambiance est à son comble. Sono, pancartes brandies bien haut et effusion de joie : les supporters du RCT, qui rejoignent le stade à quelques mètres de là, à grand renfort de tambour, ne sont qu’un lointain bruit de fond.
Et lorsque les cinq jeunes membres d’équipage sautent sur la terre ferme, le joyeux brouhaha et l’émotion montent encore d’un cran. Yogan se jette dans les bras amis, se frayant tant bien que mal un chemin jusqu’à sa chérie, qui lui tend un bouquet. « Ah, mais c’est un bouquet de fromage ! C’est trop bien ! » Familles et proches enlacent leur aventurier préféré, chantent, dansent. « T’as pleuré combien de fois, toi ? » lance, rieur, Thibault, le skipper de l’expédition, à Élise, chargée de la communication et du projet pédagogique de l’aventure.
« Là où le soleil ne se couche jamais et où les ours rôdent »
Les cinq jeunes Toulonnais de l’association Nerivik ont bien mérité cet accueil en fanfare. Partis le 25 avril de ce même quai, ils ont d’abord rallié Concarneau, en Bretagne, avant de naviguer jusqu’au Svalbard, un archipel norvégien situé au-delà du cercle polaire arctique, à mi-chemin entre la Norvège et le pôle Nord. Une terre « où il n’y a pas de végétation, où le sol est noir charbon, où le soleil ne se couche jamais et où les ours rôdent », raconte Cécile, qui se pose encore la question en se marrant : « Mais pourquoi une Toulonnaise qui n’aime pas le froid s’obstine à aller aussi au nord ? »
Des relevés précieux pour les scientifiques
C’est vrai, ça : pourquoi ? Au-delà du défi « sportif et humain », le voyage est profondément scientifique. Et pour cette 4e expédition de Nerivik, baptisée mission Asgard (le royaume des dieux dans la mythologie nordique), les jeunes aventuriers, âgés de 22 à 30 ans, et qui, dans la « vraie vie », sont dans la finance, l’architecture, la cuisine, la communication et le consulting, il était question d’effectuer des prélèvements pour mesurer l’acidité de l’océan, la concentration en microplastiques, l’état de santé de l’ichtyoplancton, par exemple. Ou encore d’étudier l’impact du réchauffement climatique, « qui va beaucoup plus vite, là-bas », et celui du trafic maritime sur les cétacés.
« On a eu quelques péripéties propres à chaque expédition, indique Thibault. Mais on a eu la chance d’avoir une bonne météo, et de remplir tout notre programme et nos objectifs scientifiques. » Des données qu’ils vont désormais mettre à disposition des professionnels et des chercheurs.
Au tour de Sedna !
L’aventure, qu’ils ont partagée avec « 700 élèves de Toulon, Toulouse et Nantes », est donc terminée. « Une sacrée belle expérience, hors norme, de laquelle on sort grandi », de l’avis de tous. Avec ses moments compliqués, comme lorsqu’il a fallu « braver le froid polaire sans chauffage à bord », et, surtout, ses liens si forts tissés à jamais. « On est devenu comme une bande de frères et sœurs, résume joliment Azélie, et c’est difficile de revenir sur terre. Mais on va se revoir. »
Il n’est d’ailleurs pas encore temps de se quitter. En fin de journée, tout ce petit monde s’est en effet retrouvé au Fort Saint-Louis, pour y découvrir une grande expo photos de ce voyage dans le grand nord. Des clichés mis aux enchères, et dont la vente servira à financer… la prochaine mission, Sedna, du nom de la déesse inuit de la mer et des mammifères marins. En avril, un nouveau jeune équipage prendra ainsi la direction du Groenland, en passant par l’Islande. Sur le robuste et fidèle Bernick, toujours…