Cosmétiques bios, arc-en-ciel d’accessoires, carte de cafés lattés… À première vue, tout indique un café boutique du centre de Rennes (Ille-et-Vilaine). À quelques détails près : une gamelle en céramique trône à l’entrée, chaque objet est floqué d’une truffe ou d’une patte, et Power, un Bouvier bernois massif, vient de s’asseoir au pied du comptoir. Bienvenue chez Clebs, concept store canin ouvert début septembre dans la capitale bretonne.

Ici, on vient affirmer son appartenance à la « team chien » – chaussettes à motifs teckel, casquette Clebs club –, laver son compagnon dans le « dog wash » en libre-service (dès 15 € la demi-heure) ou simplement échanger entre maîtres. Power lape joyeusement, pendant que sa maîtresse, Cyrielle, 39 ans, passe commande. Un thé et un « Clebs latte » (mousse de coco saupoudrée de poudre de caroube, 4 €). « S’il y en a par terre, ce n’est pas grave, sourit Alice Talaga, 31 ans. Il y a de la bave, parfois du pipi… Je fais le ménage plusieurs fois par jour, c’est la vie que j’ai choisie. »

Recalée d’une animalerie

Cette spécialiste du marketing digital a quitté son poste pour ouvrir ce lieu. « J’en voyais ailleurs. J’avais envie d’un endroit pour celles et ceux qui considèrent leur animal comme un vrai membre de la famille », raconte celle qui partage la vie de Billie, son cocker. Sa clientèle ? « Les 24-37 ans, qui ont Instagram et un chien. » Et qui ne savent pas toujours où aller avec. « Beaucoup de gens me disent qu’il est difficile de trouver un endroit 100 % dogfriendly. » Cyrielle acquiesce : « On se sent souvent jugé de prendre de la place, de salir… Je me suis déjà fait recaler d’une animalerie. »

À Paris, le mouvement a été lancé il y a trois ans avec la boutique Barkers and Brothers. Depuis, il gagne du terrain, y compris dans l’Ouest : Oscar à la plage à Vannes, Marcel et Patachon à Lannion, Une famille à Dinard, Chez Bobby à Angers… Sans oublier l’essor de services tels que la balade, la photo canine ou le coaching éducatif. « Deux choses ont explosé pendant le Covid : le jardinage et l’adoption des animaux de compagnie. On a ensuite vu tout un nouveau pan de l’économie canine émerger », analyse Mylène Bertaux, autrice de Toutoute – La nouvelle place des chiens dans nos vies aux éditions Fayard.

Cette attention croissante, teintée d’anthropomorphisme, traduit aussi un besoin de lien désormais transféré vers les animaux. Alors on crée des cafés dédiés comme on crée des cafés « kids friendly »… Tous ces acteurs s’adressent d’ailleurs à la génération des « dog parents », pour qui le chien est souvent leur premier engagement. « La Gen Z et les Millennials se considèrent de plus en plus comme des parents d’animaux plutôt que comme de simples propriétaires », assure la journaliste, elle-même « dog mum ». Sachant que les moins de 35 ans dépensent en moyenne 1 500 € par an pour leur animal, selon l’étude De la main à la patte (Harris Interactive, 2021). Autant dire que le concept n’a rien d’une niche.