« Quand on fait ce métier, on rêve de maîtriser le processus…
« Quand on fait ce métier, on rêve de maîtriser le processus de A à Z », confie-t-il. Un rêve rendu possible pour lui il y a sept ans, quand sont apparus sur le marché des équipements de plus petite taille utilisables par les artisans, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors. Cela a coïncidé également avec son engagement au Cameroun, où il parraine une coopérative de producteurs.
Des liens de confiance
« La Confédération des chocolatiers voulait valoriser la production de cacao en achetant plus cher les fèves pour mieux rémunérer les producteurs », rembobine-t-il. Au fil du temps, il a tissé des liens de confiance avec ceux de Zoétélé, à environ deux heures de la capitale, Yaoundé, à qui il est allé rendre visite il y a quelques semaines encore. Ce qui ne l’empêche pas de sélectionner des fèves d’autres provenances comme les îles Salomon (dans le Pacifique Sud) ou le Mexique.
Quand on fait ce métier, on rêve de maîtriser le processus de A à Z
Son produit final contient uniquement du cacao, du sucre – il a opté pour celui de betterave, qu’il trouve plus neutre –, du lait le cas échéant, mais pas plus de 4 % de beurre de cacao. Ce qui fait la différence avec un chocolat industriel souvent plus gras.
À Darwin, sur la rive droite bordelaise, Emmanuel Cabané a, lui, pris le parti d’une transparence totale pour sa chocolaterie Origines, inaugurée en décembre 2021. Non seulement il transforme les fèves de cacao sur place, mais, en plus, il le fait au vu et au su de tous. Les machines tournent alors même que les clients viennent choisir leurs chocolats, et il y a toujours quelqu’un pour leur en expliquer le fonctionnement.

Des fèves en torréfaction à la chocolaterie Origines à Darwin, sur la rive droite bordelaise
Patricia Marini

Les machines tournent alors même que les clients viennent choisir leurs chocolats
Patricia Marini
Mais il ne faut pas oublier que « derrière chaque chocolatier il y a toujours un négociant », précise Olivier Chauveaux. Négociant en fèves de cacao fin depuis 2020 chez Cocoateam, importateur dont les bureaux sont également installés à Darwin, il approvisionne en matière première les deux artisans cités plus haut, ainsi que quelques autres dans la région.
Le négoce demande des compétences très spécifiques pour acheter la marchandise et l’acheminer. Après récolte, fermentation et séchage, opérations réalisées par les coopératives dans les pays producteurs, les sacs de 60 kilos arrivent par bateaux à Rotterdam, aux Pays-Bas, place forte du négoce du chocolat, puis par la route jusqu’à Amsterdam. Traitées contre d’éventuels parasites, les fèves sont stockées dans des entrepôts cathédrales, au maximum deux ans, détaille-t-il. Une durée qui lui permet de faire face à la volatilité du prix de cette matière première soumise à la loi de l’offre et de la demande, et à une forte spéculation. Les palettes partent ensuite en camion vers leurs commanditaires finals.

Le négociant en fèves de cacao Olivier Chauveaux, de Cocoateam
Patricia Marini
Une école de formation
Mais les fèves peuvent aussi parvenir jusqu’à nous… en bateau à voile. C’est ce qu’offre la société Belco fondée en 2007 par Nicolas Bellangé dans la zone artisanale de Mérignac et désormais dirigée par son fils Alexandre. Belco s’est d’abord spécialisée dans l’importation de café avant d’ouvrir sa branche cacao en 2021, sous le nom de Nahù.
En 2014, Belco faisait le choix de travailler en relation directe avec les producteurs de café pour s’assurer de la qualité de ses approvisionnements. Et ce, grâce à des ingénieurs agronomes qui, sur place, les aident à améliorer leur rendement dans le respect de l’environnement. Par l’agroforesterie en particulier, une pratique ancestrale agroécologique associant différents arbres et cultures sur une même parcelle. Une façon de travailler qu’il leur a suffi de dupliquer pour le cacao.
Pour garantir la traçabilité du produit, « chaque lot est identifié, suivi et contrôlé à toutes les étapes avec des analyses systématiques réalisées par des laboratoires certifiés », précise César Magaña, responsable de la filière cacao chez Belco. Afin de réduire son empreinte carbone, l’entreprise favorise dorénavant le transport à la voile au départ du Salvador, de la Colombie ou du Brésil. Avec des bateaux neufs dont les cales ventilées permettent aux fèves de voyager dans les meilleures conditions possible. Dernière nouveauté, l’inauguration cette année d’une école de formation destinée aux chocolatiers ainsi qu’à tous les professionnels intéressés pour leur permettre d’appréhender la filière dans son intégralité.
À quel prix ?
Forcément, ce chocolat dit « de spécialité » est généralement vendu plus cher. Pour le responsable de la filière chez Belco, l’important est de « privilégier un cacao plus sûr, plus durable et plus exigeant, quitte à en consommer moins mais mieux. Il faut voir le cacao comme une nourriture avec des propriétés médicinales et nutritionnelles, et non plus comme une commodité. » Le chocolatier Luc Dorin, lui, continue de vouloir voir briller les yeux de ses clients et s’efforce pour cela de maîtriser ses prix pour que ses tablettes restent accessibles : « Le chocolat, rappelle-t-il, c’est ce qui a bercé notre enfance ! »