Le Vésuve, le Fuji, l’Etna, le volcan de Yellowstone… s’ils sont très connus du grand public et surveillés par les volcanologues, ce ne sont pourtant pas les plus redoutés. Les plus craints sont les volcans endormis, qui n’ont pas montré de signes d’activité depuis plusieurs générations : laissés sans suivi scientifique réel (capteurs ou instruments de mesure), ils sont, pour certains, écartés des stratégies de gestion des risques volcaniques.
Ces structures géologiques sont en réalité les plus dangereuses, car l’absence de données les concernant empêche toute modélisation fiable de leurs comportements. Ce manque de surveillance est un facteur de risque extrêmement important, car ces volcans oubliés peuvent se réveiller soudainement et provoquer une éruption dévastatrice, sans qu’on n’ait pu la prévoir.
Les géants endormis : les volcans que la science connaît le moins
Lorsqu’un volcan ne s’est pas réveillé depuis un siècle, parfois plus, le grand public aura tendance à le considérer comme sûr et moins menaçant. Un biais cognitif très connu en psychologie, mais regretté par les volcanologues, nommé biais de normalité. Un réflexe mental parfaitement humain qui nous fait sous estimer le risque d’une situation, car elle n’a pas évoluée « récemment ». Mais pour un volcan, « récemment » peut signifier 200 ans comme 500 ans, ce qui n’a aucune valeur prédictive à l’échelle du temps géologique.
Il s’avère que, selon les données compilées par plusieurs équipes de recherche internationales, près de 75 % des éruptions les plus violentes (comparables à celle d’El Chichón en 1982, au Mexique), proviennent de volcans restés dormants pendant au moins 100 ans.
Sous-médiatisés, ces volcans inconnus du public et des médias se retrouvent donc en bas de la liste des priorités et ne bénéficient pas de la surveillance qu’ils devraient avoir. En cas de crise, l’absence de réelle stratégies de prévention efficaces les rend d’autant plus menaçants.
Ce déficit est aggravé par un autre mécanisme psychologique : l’heuristique de disponibilité. Lorsqu’un volcan n’a aucune présence médiatique et n’a pas laissé d’images marquantes ou de vidéos qui ont pu choquer, notre perception du risque qu’il pose est sous-proportionnée. Un biais qui, en plus de toucher le grand public, influence aussi les investissements en créant une hiérarchie artificielle auprès des décideurs.
Pour cette raison certains grand programmes de surveillance (Japan Meteorological Agency, Volcano Hazards Program, Istituto Nazionale di Geofisica e Vulcanologia, etc.) tendent à concentrer leurs ressources sur les volcans actifs et médiatisés.
Cet ensemble de biais cognitifs nous fait souvent agir trop tard, après la catastrophe alors qu’elle aurait pu être évitée. C’est le cas de l’éruption d’El Chichón, citée précédemment, qui a tué 3 500 personnes à causes des coulées pyroclastiques (nuées ardentes de gaz et de fragments solides qui dévalent les pentes du volcan suite à l’éruption) et des pluies de cendres.
Elle fut tellement intense qu’en 1985, l’Europe souffra d’un hiver particulièrement éprouvant car l’explosion a projeté des dizaines de millions de tonnes de dioxyde de soufre dans la stratosphère, formant un voile d’aérosols qui a réduit l’énergie solaire reçue par le continent pendant plusieurs saisons.
Prévenir pour ne plus subir la colère des volcans
Pour combler ces lacunes, un collectif international de chercheurs a récemment créé la Global Volcano Risk Alliance, une organisation qui souhaite mettre en place, selon son site officiel : « […] une meilleure prise en compte des risques, en renforçant la résilience des communautés les plus vulnérables et en travaillant à améliorer la surveillance volcanique à l’échelle mondiale ». Ce, sans oublier les volcans oubliés de la communauté scientifique ou des médias, afin de minimiser les risques qu’une éruption pourrait provoquer.
Leurs premières missions seront principalement destinées à renforcer la surveillance où les ressources manquent le plus : amélioration des réseaux de sismographes, exercices de plans d’évacuation d’urgence, meilleure communication entre les scientifiques et les autorités, et élaboration de stratégies efficaces de gestion du risque volcanique.
Pour le moment, l’organisation concentrera ses efforts dans les régions les plus critiques : l’Amérique latine, l’Asie du Sud-Est, l’Afrique et le Pacifique, des zones densément peuplées et dangereusement sous-dotées pour faire face à une éventuelle éruption.
Il y a une règle valable en volcanologie : il est tout bonnement impossible de prédire avec exactitude l’intensité d’une éruption ou le moment où un volcan se réveillera. Il est, en revanche, possible de gérer les risques potentiels proactivement en renforçant la surveillance et en faisant évoluer notre perception des volcans endormis. Ils sont, comme les autres, des systèmes actifs dont certains décideurs se sont désintéressés, préférant investir là où le risque est politiquement rentable plutôt que là où il est scientifiquement avéré. Heureusement que la communauté scientifique est là pour rappeler, comme le fait la Global Volcano Risk Alliance, qu’il est aujourd’hui impensable de se contenter d’une prévention dictée par la visibilité médiatique. Le prix du déni est bien trop cher à payer, et des milliers de personnes ont déjà perdu la vie dans des catastrophes qui étaient pourtant évitables.
- Les volcans restés silencieux depuis des siècles sont les plus risqués, car on manque d’informations cruciales pour anticiper leur réveil.
- Les biais cognitifs et la focalisation médiatique détournent l’attention et les moyens de surveillance de ces volcans pourtant potentiellement dévastateurs.
- Des initiatives scientifiques internationales comme la Global Volcano Risk Alliance cherchent à améliorer l’observation et la préparation dans les régions les plus exposées pour éviter de nouvelles tragédies.
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