Iggy Pop : 78 ans. Mick Jagger : 82 ans. Paul McCartney : 83 ans. Le rock maintient en forme, tout du moins pour ceux qui parviennent à franchir la barre fatidique des 27.

Little Bob, 80 printemps et encore plus d’étés, fait partie de cette famille réduite des « dinorockeurs ». Roberto Piazza de son vrai nom, est l’un des derniers rockeurs français de cette trempe. Pas vu sur TF1 ni entendu sur NRJ, certes, pas un vendeur de tête de gondole non plus, mais un authentique loustic, ultra-respecté, qui creuse son sillon sans artifices. Un roi du micro qui plus est, dont Johnny Rotten, chanteur des Sex Pistols, affirmait qu’il était le seul chanteur de rock hexagonal.

Le blues du Havre

« Les gens me disent : t’es pas fatigué ? T’en as pas marre ? Moi, je suis sur scène, je suis heureux » relève celui qui arbore toujours ce fameux petit blouson de cuir en guise de totem d’immunité. Entouré depuis 2012 de son groupe, les Blues bastards, l’auteur de So crazy et True love l’a déclaré au Café de la danse (Paris) il y a quelques jours : « Il y aura encore un album » (le précédent, We need hope, date de 2021). Une manière de dire qu’il n’a toujours pas dit son dernier mot. Chiche !

Little Bob c’est une destinée à part. Un p’tit gars du Havre, « cette cité ouvrière où le ciel était gris et les pavés mouillés. Tout, finalement, pour attraper le blues ! » Le blues, précisément, il s’en amourachera par l’entremise d’un coup de billard. « Jeune, j’écoutais les Animals, les Stones. Et je me suis rendu compte que tous ces groupes avaient écouté les bluesmen, John Lee Hooker, Robert Johnson, et les autres. Tout vient de là en fait. Le blues, d’ailleurs, c’est la base du rock du jazz, du funk et du rap. C’est important de le rappeler aux nouvelles générations. »

T’as le look coco ?

Au Havre, le futur Little Bob a ferraillé très tôt sur scène avec son groupe amateur les Apaches. Mais il faudra attendre 30 ans pour qu’il quitte son job alimentaire d’agent administratif et fasse du rock son moteur professionnel. Car jusque-là, il y eut un « mais », gris anthracite, en guise de frein à disques : « J’étais un petit gros joufflu, les chanteurs que je voyais et qui faisaient rêver les filles, ils étaient tous beaux, grands et minces ! »

Mister Piazza outrepassera ses réserves initiales, pour le plus grand bonheur des mélomanes and roll. Et à la stupéfaction des brittons exégètes, lorsque, avec ses musiciens d’alors, il joue, entre 1975 et 1977, 250 concerts outre-manche, jusqu’à se faire distinguer par la crème (anglaise) des magazines pointus, le NME (New Musical Express). « Mais qui est ce satané froggy qui chante en anglais et qui nous en met plein la vue ? » se questionnent les musiciens locaux entre deux pintes de houblon. Glen Matlock, bassiste des Sex Pistols, demandera même à jouer avec lui. « Mais j’ai déjà un bassiste » osera Little Bob. Oups.

Sous les projecteurs, aujourd’hui, c’est vrai, par moments, Little Bob a besoin de s’asseoir sur un tabouret pour poser la machine. Mais lorsqu’il reprend Lucille de l’un de ses héros, Little Richard (un autre Little), sa voix reste ce cabriolet fonçant sur l’autoroute du kif et du riff.

Pas question de ralentir le tempo ni de baisser le volume. C’est rugueux, c’est pégueux. C’est brut de décoffrage. Pour rappel, Little Bob fut un très proche du très peu orthodoxe Lemmy Kilmister (le chanteur de Motörhead, décédé il y dix ans) et reprit d’ailleurs sur disque cet hymne trépidant qu’est Ace of spades.
Surtout, autour de lui, quatre gaillards s’en donnent à cœur joie avec un son rentre-dedans. A commencer par son éternel complice, le guitariste Gilles Mallet, épaulé du contrebassiste Bertrand Couloume, du batteur Mathieu Poupard et du claviériste Nicolas Noël. Qu’on se le dise, au Thor, les absents auront tort.

Little Bob blues bastards, le 7 décembre à 18h au Sonograf, Le Thor ; 18/24 €.