Deux hommes atteints par le VIH.Quelque 40 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde. © Freepik

Chaque 1ᵉʳ décembre, les rubans rouges ressortent, les campagnes s’affichent, et les acteurs de la santé rappellent que l’épidémie n’a pas disparu. En France, on estime qu’environ 173 000 personnes vivent avec le VIH. Un chiffre relativement stable depuis plusieurs années, qui pourrait laisser croire que la situation est sous contrôle. Mais cette apparente stabilité cache des angles morts et des freins qui contaminent la lutte.

Selon le dernier bilan national publié en 2024, 43 % des nouveaux diagnostics de VIH sont encore posés à un stade tardif (CNR-IST, Bulletin VIH/IST 2023). Et ce retard n’est pas anodin : dépister tard, c’est traiter tard, donc fragiliser la santé des personnes et augmenter les risques de transmission.

VIH, Sida, IST : pourquoi la lutte semble faire du sur-place ?  Le dépistage tardif, talon d’Achille persistant

On pourrait croire qu’en 2025, avec les autotests, les CeGIDD et les campagnes de prévention, tout le monde connaît son statut. Pourtant, chaque année, environ 5 000 nouvelles contaminations sont encore détectées en France.

Beaucoup découvrent leur séropositivité « par hasard » ou lors d’une hospitalisation. Le CNR-IST parle d’un « retard de diagnostic préoccupant ». Une tendance confirmée dans plusieurs régions.

Plusieurs facteurs expliquent cela :

  • Moins de peur du VIH qu’il y a vingt ans, notamment chez les plus jeunes.
  • Une méconnaissance persistante de l’indétectabilité (« U=U » : Indétectable = Intransmissible).
  • Une banalisation des symptômes ou l’absence totale de signes.

Résultat, la France compte encore 24 000 personnes vivant avec le VIH sans le savoir, selon Santé publique France. Un angle mort sanitaire qui pèse lourd dans la lutte contre l’épidémie.

La flambée des IST, thermomètre d’une prévention en panne

Pour mesurer l’efficacité de la prévention, regarder le VIH ne suffit pas. Les IST bactériennes, elles, ne mentent jamais. Et les chiffres sont éloquents. Entre 2022 et 2024, selon Santé publique France :

En 2024, on comptait 61 100 cas de chlamydia, 25 800 de gonorrhée et 6 500 de syphilis en population générale. Ces IST progressent principalement chez les 15–29 ans, mais aussi chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), populations pourtant très ciblées par les messages de prévention.

La banalisation du VIH, devenu une maladie chronique, a fait reculer la peur de la transmission. PrEP, traitements efficaces, progrès scientifiques… Autant d’avancées essentielles, mais qui ont aussi parfois laissé penser que les risques avaient disparu.

La PrEP encore trop mal connue et trop peu prescrite

La PrEP (prophylaxie pré-exposition) est l’un des outils les plus efficaces pour empêcher une infection par le VIH. Pourtant, en France, son usage reste encore insuffisant hors des grandes métropoles. Selon VIH.org, la PrEP progresse, mais « trop lentement dans certains territoires ». Des zones entières, notamment rurales, restent sous-équipées, faute de médecins formés ou disponibles.

Le manque d’information et les idées reçues freinent aussi l’accès à cet outil pourtant décisif. Beaucoup pensent encore qu’il s’agit d’un traitement réservé aux HSH ou aux personnes « à risque », quand il s’adresse en réalité à toute personne exposée.

Des inégalités sociales et territoriales qui pèsent lourd

L’épidémie de VIH suit encore des lignes de fracture sociales. Les populations les plus précaires (personnes migrantes, travailleurs du sexe, jeunes en situation de vulnérabilité) sont toujours les plus exposées.

La Seine-Saint-Denis, par exemple, reste l’un des départements les plus touchés de France. Lors de la Journée mondiale du sida 2025, le département rappelait que l’accès aux soins et au dépistage reste « profondément inégal », malgré les efforts des associations et des structures locales.

Dans certains territoires d’outre-mer, la situation est encore plus préoccupante, avec des taux de prévalence supérieurs à ceux de l’Hexagone.

La baisse des financements internationaux fragilise aussi la France

La lutte contre le VIH ne se joue pas seulement à l’échelle d’un pays. Elle repose sur un effort international colossal (programmes de prévention, accès aux traitements, soutien aux systèmes de santé) piloté par des acteurs comme l’ONUSIDA, le Fonds mondial ou les grandes ONG. 

Or, les financements internationaux fléchissent. Moins de dons, moins de contributions des États… et, mécaniquement, moins de moyens pour empêcher l’épidémie de repartir là où elle était contenue.

Dans plusieurs pays partenaires de la France, notamment en Afrique de l’Ouest, certains programmes d’accès aux antirétroviraux tournent désormais au ralenti ; ailleurs, les campagnes de prévention auprès des jeunes et des populations clés sont tout simplement réduites faute de budget. Et quand les efforts diminuent à un bout de la chaîne, le virus trouve toujours un passage.

Et, une épidémie qui regagne du terrain ailleurs finit toujours par avoir des répercussions ici. Non pas parce qu’il faudrait craindre l’arrivée de « nouveaux virus », mais parce que nous vivons dans un monde profondément mobile. Voyages, migrations, échanges professionnels, liens familiaux… Les frontières sanitaires n’existent plus vraiment.

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La France n’est pas démunie. Au contraire, elle fait partie des pays qui ont entre les mains l’éventail complet des outils capables de freiner l’épidémie. Et pourtant, malgré cet arsenal, la dynamique patine. Non pas parce que les solutions manquent, mais parce qu’elles peinent encore à atteindre tout le monde, au bon moment, dans les bonnes conditions.

  • Dépister régulièrement, 
  • oser parler sexualité sans tabou, 
  • connaître les outils de prévention, 
  • utiliser le préservatif quand il est nécessaire
  • lutter contre la stigmatisation, 
  • rendre l’accès aux soins plus simple et plus rapide. 

Ces leviers restent les plus efficaces que nous ayons. Mais ils demandent un volontarisme constant avec des moyens, du temps, de la pédagogie, et une présence continue auprès des populations les plus exposées.

À SAVOIR 

En 2023, la majorité des nouvelles séropositivités concernait des hétérosexuels (55 %), dont une large part née à l’étranger. Les HSH représentaient 40 % des nouveaux diagnostics. Les personnes trans comptaient pour 2 % des cas, les usagers de drogues injectables pour 1 %, et moins de 1 % des nouveaux diagnostics concernaient des enfants de moins de 15 ans, principalement originaires d’Afrique subsaharienne.

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