Le début de la fin d’un projet climaticide ? Le Royaume-Uni a annoncé lundi 1er décembre retirer son soutien financier de 1,15 milliard de dollars au projet gazier controversé mené par TotalEnergies au Mozambique, invoquant une hausse des risques liés au djihadisme dans la région. «Le gouvernement de Sa Majesté estime que ces risques ont augmenté depuis 2020», a expliqué le secrétaire d’Etat au Commerce Peter Kyle dans une déclaration au Parlement. «Le financement britannique de ce projet ne servira pas les intérêts de notre pays», a-t-il ajouté.

Cette décision est le dernier revers en date pour l’un des plus grands projets d’infrastructure en Afrique, qui a été entaché par des controverses sur des questions environnementales, de droits humains et de sécurité. En effet, TotalEnergies est visé par deux procédures judiciaires dans le cadre de ce projet, suspendu à la suite d’une sanglante attaque jihadiste dans la ville voisine de Palma en 2021, qui a fait environ 800 morts, selon l’ONG Acled.

Cette annonce «doit être un électrochoc pour [les groupes bancaires] Crédit Agricole et Société Générale qui refusent toujours de retirer leur soutien», assure Antoine Bouhey, de Reclaim Finance, une ONG de défense de l’environnement. Toutefois, le groupe assure que le retrait du financement britannique ne devrait pas mettre fin au projet de 20 milliards de dollars, qui a obtenu le soutien des gouvernements des Etats-Unis et du Japon. De plus, Patrick Pouyanné, directeur général de TotalEnergies, a déclaré en février qu’il était «prêt à exercer tous ses droits contractuels» si les agences de crédit à l’exportation ne respectaient pas leurs engagements, alors que le gouvernement néerlandais réexamine également son soutien au projet.

Maître d’œuvre du projet et premier actionnaire avec 26,5 % des parts, le géant français des hydrocarbures espère reprendre en 2029 la production sur le site, qui représente un investissement de 20 milliards de dollars. TotalEnergies affirme que la zone autour des opérations est désormais sûre, en partie grâce au travail des soldats rwandais qui ont contribué à sécuriser le site.

Le groupe a d’ailleurs réclamé fin octobre au gouvernement du Mozambique une compensation pour le surcoût lié au retard, qu’il évalue à 4,5 milliards de dollars, ainsi qu’une extension de la concession de dix ans, en plus d’un rattrapage des quatre ans et demi perdus.

L’insurrection dans la province mozambicaine du Cabo Delgado, dans le nord de ce pays d’Afrique australe, menée par un groupe affilié à l’organisation Etat islamique, a causé plus de 6 300 morts depuis 2017, d’après un décompte de l’Acled. Le géant français des hydrocarbures fait l’objet en France d’une information judiciaire pour homicide involontaire après des plaintes de survivants et de familles de victimes de l’attaque de Palma, qui lui reprochent de ne pas avoir assuré la sécurité de ses sous-traitants.

De plus, des soldats mozambicains chargés par le groupe français de protéger le site à l’époque sont accusés d’exactions mortelles sur des villageois, selon des témoignages recueillis par le média Politico. TotalEnergies est dans ce cadre visé à Paris par une plainte pour «complicité de crimes de guerre, torture et disparitions forcées», déposée par l’ONG allemande European Center for Constitutional and Human Rights. De son côté, TotalEnergies conteste «de façon catégorique» cette affirmation selon laquelle il «aurait eu, ou aurait pu avoir, connaissance des actes de violence».

Le projet de TotalEnergies, avec celui mené par l’Italien ENI et un autre d’ExxonMobil, «pourrait faire du Mozambique un des dix premiers producteurs mondiaux (de gaz), contribuant à 20 % de la production africaine d’ici 2040», d’après un rapport du cabinet Deloitte de 2024.

Selon l’enquête de quatre ONG, TotalEnergies, condamné le 23 octobre par le tribunal judiciaire de Paris pour «pratiques commerciales trompeuses» après s’être présenté comme un «acteur majeur de la transition énergétique», est le groupe engagé dans le plus grand nombre de projets fossiles, avec 106 nouveaux sites d’extraction, 30 bombes carbones et 18 terminaux de gaz liquéfié.