« J’ai déjà mis vingt minutes à remonter la rue Barla. » « Moi, une fois, ça m’a pris une demi-heure. » Lorsque l’on lance le sujet de conversation sur les embouteillages de la rue Barla, longue d’environ 600 mètres, la discussion tourne rapidement à la démonstration de patience.

« Mais les conducteurs la perdent vite, constate Bernard Duranthon, le président de l’association de quartier Arson Village. Il suffit de voir leurs mines agacées, quand ils ne se crient pas dessus ! » Car c’est un fait : cet axe structurant, qui relie la place Max-Barel direction Villefranche, à la traverse Barla menant au boulevard Carabacel est stratégique à Nice, mais très congestionné.

Une commerçante côté Est constate : « C’est tous les jours différent. Parfois c’est bouché à midi, d’autres fois, c’est à 19 heures quand je pars. Il n’y a pas que les heures de pointe qui sont compliquées. J’ai du mal à expliquer pourquoi. »

Benjamin, trentenaire qui vit dans le quartier confirme : « J’ai l’impression qu’il y a du monde tout le temps, même à des moments où il ne devrait pas y avoir foule. »

« Un problème de synchronisation des feux »

Un peu plus loin, Guillaume a repris le magasin d’accessoires pour les motards Maxxess – « car Barla est à la moto ce que l’avenue Simone-Veil est aux concessionnaires automobiles », ajoute malicieusement son père, Jean-Paul. Il ne faut pas longtemps au boss pour savoir où le bât blesse : « Il y a un problème de synchronisation des feux. De ce fait, des files se forment et ça n’arrange rien ».

Manon, la patronne de la boutique Wakey Cosmétiques, à l’angle de la rue Bavastro, connaît parfaitement la problématique, « d’autant qu’ [elle] habite aussi rue Barla ».

Son analyse est claire : « Le matin, à l’heure des écoles et à laquelle les gens partent au travail, c’est très chargé. Ensuite, de 10 heures à midi, ça va mieux, mais il y a les livraisons. En fin d’après-midi, c’est de nouveau embouteillé. Je me déplace à pied donc je ne rencontre pas de difficultés. En revanche, en tant que riveraine, je fais attention à ne pas ouvrir mes fenêtres pour aérer lorsqu’il y a beaucoup de trafic, pour éviter de faire rentrer les particules fines. »

Cet aspect fait partie des préoccupations des habitants. « Il y a manifestement une pollution atmosphérique. Ceux qui habitent en bordure de la rue ont des dépôts sur leurs rebords de fenêtre ou balcons, observe Bernard Duranthon. Ce qui est ennuyeux, c’est qu’un capteur est situé dans le jardin Arson, au milieu des arbres, donc je doute qu’il soit tout à fait fiable et qu’il donne le véritable impact des pots d’échappements. »

« Il y a aussi la pollution sonore, ajoute son épouse Véronique. Le long de la rue, c’est très bruyant. »

Les pistes cyclables ne font pas consensus

Le couple aimerait que « la Ville installe une piste cyclable sur la voie d’Ouest en Est. Il suffirait de supprimer les quelques places de parking dans le bas. » Décompte fait, il n’y en a effectivement qu’une quinzaine. En revanche, il y a deux arrêts de bus. Et tous ne sont pas convaincus à l’image de Tony, 19 ans, qui trouve qu’« on en fait trop pour les vélos » et que « ça ne changera rien aux bouchons ».

En revanche, s’il y a bien un sujet qui fait consensus, c’est le retour du double sens sur le quai des États-Unis : « On ne sait pas si cela va fluidifier la rue Barla, constate Manon. En tout cas, cela ne va pas empirer la situation. » Bernard et Véronique sont plus optimistes : « Il y a cinq ans avant la mise en place du sens unique, ça roulait mieux ! »

Le retour du double sens entre la promenade des Anglais et le port a entraîné le retour des vélos sur le trottoir. Photo Sébastien Botella

« Accidentogène, encombrée et polluée »

La question de la rue Barla sera, à coup sûr, un sujet de la campagne municipale. Hélène Granouillac, présidente de l’association Terre Bleue, conseillère municipale non affiliée et candidate sur la liste citoyenne Vivre Nice, s’en est saisie.

Elle voulait même présenter un vœu lors du dernier municipal à ce sujet, mais il a été retoqué, la majorité lui ayant répondu qu’elle n’avait pas formulé sa demande à temps.

« Ce sujet mérite une réflexion globale sur la requalification de cet axe structurant. Cette rue est accidentogène, encombrée et polluée. Aujourd’hui, le contraste est saisissant avec le prolongement de la promenade du Paillon. Il est vrai qu’il y a de nombreuses contraintes en termes d’aménagements, mais il y a des pistes à étudier sur le stationnement et la création d’une piste cyclable. Par ailleurs, il faudrait absolument mettre des capteurs sur cet axe pour connaître exactement l’impact de la circulation sur la qualité de l’air. J’ai rencontré commerçants et riverains et tous sont d’accord sur l’idée qu’il faut une requalification de la rue Barla. Je demande que l’on lance une grande consultation publique. »

14.800 véhicules par jour

De son côté, Gaël Nofri dit encore analyser l’évolution de la circulation, mais compte sur sa baisse naturelle pour fluidifier le trafic. « L’axe Barla a un trafic important, par rapport aux autres : 14 800 véhicules y passent par jour. Mais c’est moins que les 20 000 véhicules par jour qui y circulaient en 2019 », chiffre l’adjoint au maire de Nice en charge de la Circulation.

Grâce, selon lui, à plusieurs facteurs, et notamment au report des automobilistes sur les transports en commun. « Si la baisse de circulation se poursuit, grâce à l’augmentation du cadencement de la ligne 2 et le cadencement au quart d’heure des TER, on pourra gagner de la marge de manœuvre », espère l’élu.

Car techniquement, Barla est un axe compliqué à améliorer : « Il vient buter contre la ligne du tram, qui a la priorité de passage. » Le feu passe donc très souvent au rouge pour laisser passer les rames dans les deux sens ce qui, de facto, vient couper l’écoulement de la circulation.

« Depuis 2020, nous avons étudié plusieurs hypothèses, notamment la possibilité d’enterrer cet axe en passant sous la ligne de tramway. Mais avec le Paillon et le tunnel Liautaud en dessous, il faudrait descendre trop profondément », explique Gaël Nofri.

Les rampes d’accès seraient donc trop longues. En tout cas, l’élu insiste : Barla a vocation à rester « un axe de circulation stratégique et à double-sens ».