• David Lisnard, le président de l’Association des maires de France, assure que le nombre de personnes vivant à la rue ou « dans leur voiture » n’a jamais été aussi élevé dans le pays.
  • La crise du logement est même la « pire crise sociale de notre époque », assure-t-il.
  • Pour l’heure, les données manquent pour documenter ce point précis, mais le nombre de personnes sans domicile atteint bien des niveaux sans précédent de manière générale.

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L’info passée au crible des Vérificateurs

C’est l’un des rares sujets sur lesquels les deux chambres convergent, dans les discussions budgétaires en cours : les sénateurs ont approuvé dimanche 30 novembre la création d’un « statut du bailleur privé » (nouvelle fenêtre), également plébiscité par l’Assemblée nationale. Un dispositif fiscal pour inciter à investir dans le locatif, face à une crise du logement préoccupante (nouvelle fenêtre). Pour David Lisnard, président de l’Association des maires de France (AMF), il s’agit même de la « pire crise sociale – c’est-à-dire humaine – de notre époque ». 

« Ceux qui se logent le font à des prix qui attaquent lourdement leur revenu disponible », et surtout, « jamais autant de nos compatriotes n’ont dormi dehors ou dans leur voiture », écrit le maire LR de Cannes dans un message publié sur X (nouvelle fenêtre). Le nombre de personnes sans abri en France actuellement est-il réellement inédit ? Les Vérificateurs se sont penchés sur la question. 

Des résultats de l’Insee attendus d’ici un an

Tout d’abord, les enquêtes sur les sans-abri spécifiquement sont rares et ne détaillent pas leur nationalité. La dernière étude de l’Insee (nouvelle fenêtre) sur le sujet, qui remonte à 2012, concluait que quelque 143.000 personnes étaient sans domicile en France métropolitaine, dont des étrangers et des demandeurs d’asile. Ce niveau marquait déjà « une augmentation de plus de 50% par rapport à 2001 », date de la première édition de cette enquête, soulignait l’organisme public de statistiques dans une récente note de blog (nouvelle fenêtre)

Parmi eux, on comptait environ « 10% de personnes sans abri », c’est-à-dire vivant à la rue ou dans un lieu qui n’est pas prévu pour l’habitation, comme une voiture, mais aussi un jardin public, une gare, un hall d’immeuble… Soit environ 14.300 personnes, mais sans détails fournis sur leur nationalité. Les autres personnes sans domicile recensées sont hébergées mais de façon non pérenne, dans des centres d’hébergements ou des hôtels par exemple (nouvelle fenêtre)

Pour actualiser toutes ces données, l’Insee a mené une nouvelle édition de son enquête (nouvelle fenêtre) entre le 31 mars et le 5 juillet dernier. Mais il faudra attendre fin 2026 pour connaître les résultats de cette étude « particulière et complexe », notamment parce que cette population « échappe aux enquêtes traditionnelles de la statistique publique », explique le billet de blog, qui promet une enquête plus large et plus affinée que les précédentes. 

Pour l’heure, l’Insee estime seulement qu' »au vu de la seule évolution du nombre de places d’hébergement », le nombre de personnes sans domicile « pourraient dépasser les 300.000 », mais « cet ordre de grandeur demande à être confirmé et précisé ». La question sera également de savoir si celui « de 10% de personnes sans abri parmi les personnes sans domicile estimé en 2012 » a « évolué ». 

30.000 personnes concernées, selon la Fondation pour le logement

Il est en revanche possible de se fier d’ores et déjà aux chiffres de la Fondation pour le logement, ex-Fondation Abbé Pierre : dans son rapport annuel 2025 (nouvelle fenêtre), elle s’inquiète d’un « niveau inédit » de 350.000 personnes sans domicile. Un chiffre multiplié par environ 2,5 par rapport à 2012, comme les Vérificateurs l’expliquaient déjà dans cet article le mois dernier (nouvelle fenêtre).

Quant aux sans abri, la Fondation estime leur nombre à quelque 30.000 personnes (nouvelle fenêtre), sans détails sur leur profil. Pour parvenir à ce chiffre, elle prend notamment en compte le fait que « près de 7.000 personnes sollicitent chaque soir sans succès le 115 (nouvelle fenêtre) pour un hébergement d’urgence, alors que seul un quart environ des personnes sans abri sollicitent le 115″, selon un relevé réalisé sur une nuit à Paris, en janvier 2024. Le rapport souligne toutefois que leur nombre exact « n’est pas connu précisément ». 

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Impossible donc de mesurer une possible évolution, pour savoir si un record a récemment été atteint ou non. Sollicitée, la Fondation nous explique qu’il est « difficile d’estimer le nombre de personnes sans abri à la rue, donc cet exercice est encore plus difficile si nous comparons ce chiffre à des chiffres plus anciens, qui sont encore moins existants ». Il n’en reste pas moins que la tendance globale est préoccupante : « La hausse » du nombre de personnes sans domicile en général « se poursuit dramatiquement », alerte l’étude, d’autant que le nombre de 350.000 « est sans doute encore en dessous de la réalité ». 

Parmi les données les plus récentes, on peut aussi mentionner un rapport de la Cour des comptes (nouvelle fenêtre), qui estimait qu’en 2019, 300.000 personnes étaient sans domicile, une hausse moyenne de 10% par rapport à l’étude de l’Insee de 2012. Parmi elles, environ 40.000 sans abri, ajoutait le rapport, sans préciser si ce chiffre-là avait également progressé ces dernières années. 

Plus de 900 personnes décédées en 2024, un « nouveau record effroyable »

Au-delà du nombre de personnes à la rue, un autre indicateur permet aussi d’évaluer l’ampleur du fléau : 912 personnes « sans chez-soi » sont décédées en 2024, soit 16% de plus qu’en 2023, selon le collectif Les morts de la rue (nouvelle fenêtre). Un « nouveau record effroyable » (nouvelle fenêtre), a déploré l’un de ses membres, Adèle Lenormand, auprès de l’AFP. En cause, « l’augmentation du nombre de personnes sans domicile fixe », a-t-elle expliqué, même si le collectif reçoit aussi davantage de signalements venant des particuliers, d’associations et de structures d’accompagnement social.

Les personnes prises en compte dans ce collectif avaient « principalement dormi au cours des trois derniers mois précédant le décès dans un lieu non prévu pour l’habitation et/ou dans une structure d’hébergement », précise son rapport. Dans plus d’un tiers des cas, elles vivaient à la rue au moment de leur décès, un chiffre en « progression ». 

En résumé, il est difficile de trouver des données précises sur le nombre de personnes dormant à la rue ou dans leur voiture. Selon les dernières estimations en date de la Fondation pour le logement, on en recense environ 30.000, mais difficile de savoir s’il s’agit d’un record ou non. En revanche, il est certain que le nombre total de personnes sans domicile ne cesse de progresser de manière générale depuis le début du siècle, et la hausse s’est même accélérée ces dernières années. D’après la même source, on en recensait environ 350.000 l’an passé, soit 2,5 fois plus qu’en 2012, alors même que le président Emmanuel Macron avait promis de mettre fin au sans-abrisme d’ici à la fin de son premier quinquennat, en 2022. 

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Maëlane LOAËC