Quinze minutes, verdict compris. L’audience du tribunal correctionnel de Marseille du jeudi 27 novembre au matin aura battu des records de vitesse, pour ne pas dire de procès expédié. Il faut dire pour la défense du tribunal, constitué en juge unique, une composition réservée au menu fretin judiciaire, que la victime et le mis en cause se sont fait porter pâles.

Explication probable : l’histoire qui n’a pas pu être racontée dans les détails à l’audience est embarrassante pour les deux parties. Elle se déroule dans la période des fêtes de Noël, en 2024. Deux hommes d’une trentaine d’années se draguent sur une application de rencontres et finissent par se donner rendez-vous dans un hôtel marseillais. « Jusque-là, tout se passe bien », note le président.

Mais une fois la relation sexuelle consommée, l’un des deux quitte la chambre comme un voleur, au sens propre, en embarquant les affaires et le portefeuille de son amant d’une nuit. « Il était drogué », aurait confié ce dernier au moment de sa plainte, sans préciser s’il avait lui-même consommé des stupéfiants. Initialement, le dossier laissait planer le doute sur l’organisation d’une soirée « chemsex ». Cette pratique consistant à absorber des substances psychoactives dans le but de prolonger ou de « booster » les rapports sexuels. Mais aucune investigation n’a été menée pour confirmer ce soupçon

« Mon client a perdu son emploi »

Au moment de déposer plainte, en tout cas, la victime n’en menait pas large. Et pour cause : la profession de Thomas (1), 33 ans ? Policier à Marseille, dans un service administratif. Un fonctionnaire bien obligé de déclarer à ses collègues et à sa hiérarchie les circonstances de la perte d’une pièce sensible, qui pourrait servir des intérêts peu nobles en tombant dans de mauvaises mains : sa carte professionnelle bleu-blanc-rouge.

Rapidement, le domicile du suspect désigné par le policier était perquisitionné. Avec un succès relatif : le portefeuille sera retrouvé, vidé de son contenu. En garde à vue, Yacine R., un adulte handicapé, père d’un enfant de 8 ans, en état de récidive légale, reconnaissait son larcin. « Le vol a été admis sans problème. L’auteur a expliqué qu’il n’avait pas l’intention d’utiliser la carte bleue. On ne voit pas bien dans son cas l’intérêt de prendre un portefeuille », relève le juge dans sa lecture accélérée des faits.

« Les répercussions de ce vol ont été douloureuses et catastrophiques pour la vie de mon client. Il a été contraint de déposer plainte et donc de révéler son homosexualité à ses collègues de la police et à sa hiérarchie. Il a été l’objet d’un rapport administratif pour la perte de sa carte, et, dans un contexte devenu compliqué pour lui, il a préféré démissionner de son travail « , se désole l’avocate du policier, Ambre Thomas-Aubergier. « Les faits sont particulièrement désagréables, abonde le procureur. Il (l’auteur) a profité de la situation et de l’inconscience qui a pu s’installer l’espace de ce rendez-vous. On ne peut que regretter qu’il ne soit pas venu s’expliquer aujourd’hui », tempête le ministère public en réclamant une peine de 150 jours-amende à 10 euros. Le président tranche pour 100 jours-amende à 5 euros. Affaire suivante.