Chute des revenus pub, coupes budgétaires et programmes au rabais : la télévision affronte une tempête économique sans précédent. Résultat ? Les téléspectateurs, lassés, migrent massivement vers le numérique.

L’ambiance est morose dans les couloirs des grandes chaînes. Il n’y a pas qu’à l’Assemblée nationale qu’on s’arrache les cheveux sur le budget : les états-majors de l’audiovisuel traversent une crise existentielle majeure. Le constat est sans appel : la télévision telle qu’on la connaissait passe brutalement en mode low-cost.

Pub en berne et dotations coupées

C’est la soupe à la grimace chez les patrons. « On est en pleine tempête et on rentre dans le dur », confie l’un d’eux. Les chiffres rapportés par Le Parisien confirment le naufrage économique de cet automne.

D’un côté, les chaînes privées (TF1, M6) voient leurs recettes publicitaires plonger (respectivement -10 % et -15 % estimés depuis octobre), plombées par l’incertitude politique. De l’autre, le service public subit la « double peine ». France Télévisions doit encaisser la chute de la pub en journée tout en subissant une coupe drastique de sa dotation publique. L’effort total demandé avoisine les 150 millions d’euros.

Les conséquences sont immédiates sur les écrans, notamment chez France TV. L’enveloppe dédiée à la création fondra d’au moins 20 millions d’euros en 2026 et France 2 ou France multiplient les redites, de 100 % Logique à N’oubliez pas les paroles. Chez TF1, on ressort les vieux cartons et des épisodes de Section de recherches ou des films vus et revus comme Death Wish comblent les trous.

Quant à M6, la Six n’a proposé qu’une seule fiction française inédite en prime time depuis la rentrée. Même les vaches sacrées telles que le sport sont touchées et des matchs du tournoi des 6 Nations ou de la Coupe de France pourraient être revendus pour faire des économies.

Face à cette avalanche de rediffusions et de programmes annulés, un producteur cité par le quotidien ne mâche pas ses mots :

« Au final, c’est le téléspectateur qui est lésé. Et après on s’étonne qu’il migre vers les plates-formes ou YouTube ? »

Le verdict de l’audience : la Gen Z a déjà fait ses valises

La réponse est cinglante : ils ne font pas que migrer, ils ont déjà déménagé. Une étude du Boston Consulting Group (BCG) met en lumière une fracture générationnelle béante. En France, comme en Europe, la génération Z se détourne massivement la télévision traditionnelle au profit du streaming et des réseaux sociaux.

La télévision linéaire ne capte plus que 16 % du temps d’écran des 16–27 ans (contre encore 55 % pour les baby-boomers). Le grand gagnant de cet exode, c’est YouTube. La plateforme de Google a remplacé la télé dans le cœur et les habitudes des jeunes, dominant Netflix de dix points chez les jeunes. De plus, 38 % de la Gen Z y regarde désormais des contenus longs (films, documentaires) directement sur leur téléviseur de salon.

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Enfin, le réflexe n’est plus de « zapper », mais de scroller ou de lancer une application par défaut, comme Netflix.

À cela s’ajoute la domination des formats courts (TikTok, Shorts), qui accaparent désormais 28 % du temps d’écran hebdomadaire des jeunes. Pour cette génération, la grille des programmes est un concept obsolète.

 « Frenemies » : quand le petit écran tente de copier Internet

Face à cette hémorragie, la télévision tente une stratégie de survie désespérée. Comme l’analysent Les Echos, les chaînes et la plateforme vidéo font désormais office de nouveaux « frenemies » (meilleurs ennemis), naviguant entre fascination et rivalité.

On assiste à une porosité inédite entre les deux mondes, avec des stars du web qui passe à la télé. Le documentaire Kaizen d’Inoxtag sur TF1 ou le GP Explorer de Squeezie sur France 2 montrent que la télé veut capter l’audience des influenceurs. Dans le même temps, les budgets explosent sur le web et YouTube est loin d’être le parent pauvre du low-cost. Des concepts comme Stop the Train affichent des budgets de 700 000 euros, dignes d’un prime time télévisé. Notons aussi l’adaptation des formats comme chez Banijay qui lance des concours pour adapter ses jeux TV aux codes ultra-rapides de YouTube.

Pourtant, la bataille reste inégale. Si la télé reste un « grand restaurant » face au « grignotage » des réseaux sociaux selon le patron de TF1, force est de constater que les clients préfèrent de plus en plus souvent manger au snack-bar.

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