Par

Glenn Gillet

Publié le

2 déc. 2025 à 6h02

« C’est dommage », lâche Khadija El K’houli. Cela fait près de 10 ans qu’elle travaille dans l’épicerie Nour Madinina. Depuis un an, elle est même devenue gérante de cette épicerie, située aux côtés d’une quinzaine d’autres commerces au sein des 9 000 mètres carrés de la halle Mandela, à la sortie de la gare de RER Sevran-Beaudottes (Seine-Saint-Denis), à proximité du centre commercial Beau Sevran.
Mais face à la vétusté du lieu, les pouvoirs publics souhaitent sa démolition, dans le cadre de la restructuration du quartier prévue en lien avec l’arrivée de la ligne 16 du métro du Grand Paris Express. Une décision qui plonge les commerçants dans l’incertitude. Une pétition a été lancée pour faire suspendre le projet.

« On risque de perdre notre commerce et personne ne nous dit rien »

Cela fait environ un an que les commerçants, locataires de leur cellule commerciale depuis parfois plusieurs décennies, ont appris, via leurs propriétaires, le projet de démolition de la halle. Après l’enquête publique, qui a pris fin en octobre, les conclusions doivent être remises au préfet de Seine-Saint-Denis en janvier. L’idée est ensuite d’engager des expropriations en vue de démarrer la démolition début 2027. Depuis qu’elle est au courant, Khadija El K’houli n’a pas réussi à entrer en contact avec la mairie : « c’est quand même bizarre non ? On va aller où nous ? On risque de perdre notre commerce et personne ne nous dit rien ».

Elle reconnaît que le lieu est très vétuste et qu’« il y a trop de voyous ici, trop problèmes », malgré la présence de quatre agents de sécurité, financée par la ville, mais estime qu’une destruction n’arrangerait rien. Avec son fils Fed Javaloyes, qui travaille dans l’épicerie depuis cinq ans, elle plaide pour une rénovation de l’équipement : « dès qu’il pleut, il y a des inondations parce que les bouches d’égout se bloquent et à chaque fois on est obligé de déboucher tout seul, nous ou d’autres commerçants, personne ne vient nous aider », explique-t-il, en nous montrant de nombreuses vidéos où on peut voir plus de 20 centimètres d’eau brune sur le sol de la boutique.

L'entrée de la Halle Mandela, ici vue du côté du centre commercial Beau Sevran, devrait être détruite dans le cadre de la restructuration du quartier en lien avec l'arrivée de la ligne 16 du Grand Paris Express.
L’entrée de la Halle Mandela, ici vue du côté du centre commercial Beau Sevran, devrait être détruite dans le cadre de la restructuration du quartier en lien avec l’arrivée de la ligne 16 du Grand Paris Express. (©GG/actu Paris)

Autre problème : les dizaines de rats qui viennent grouiller jusque dans les boutiques le soir ainsi que les pigeons qui viennent parfois déféquer jusque sur les étals. Pour empêcher les volatiles d’accéder à certains espaces, un filet a été installé au niveau du plafond. En levant les yeux, on voit un pigeon mort qui pend au-dessus des passants : « Il doit être bien sec parce qu’il est là depuis au moins six mois et personne ne s’en occupe, » raconte Fed.

« Eux aussi ils veulent profiter du Grand Paris »

Farid Allam gère une boutique spécialisée dans le transfert d’argent à l’étranger dans la halle Mandela. Il reconnaît lui aussi que « visuellement, elle est un peu vétuste » mais estime qu’il faudrait « la réaménager » plutôt que de la détruire. Lui aussi a essayé de contacter la municipalité pour défendre son point de vue, sans succès. Si la démolition est actée, « on va perdre notre commerce », craint-il.

Les commerçants se sont rassemblés dans un collectif visant à défendre leur cause et ont installé une grande banderole en plein centre de la halle Mandela, tout en placardant des affiches de plaidoyers sur de nombreux murs, afin de sensibiliser les milliers de personnes qui y transitent tous les jours.

Votre région, votre actu !

Recevez chaque jour les infos qui comptent pour vous.

S’incrire

La banderole installée au sein de la halle par des commerçants et des propriétaires.
La banderole installée au sein de la halle par des commerçants et des propriétaires. (©GG/actu Paris)

Dans leur action, les commerçants sont soutenus par Abdelhakim Zaoui, conseiller citoyen à Sevran, indépendant des institutions, dont le rôle est de faire remonter les problèmes des habitants auprès de la mairie. S’il est proche politiquement Philippe Geffroy, conseiller municipal d’opposition (divers droite) et candidat aux municipales, il revendique son objectivité dans l’affaire de la halle Mandela.

« Ils m’ont alerté pour me dire qu’ils n’avaient vu personne, qu’ils n’avaient pas été consultés », explique-t-il, « ils sont scandalisés de savoir que tout ça peut être rasé. Eux aussi ils veulent profiter du Grand Paris », qui devrait faire passer la fréquentation de la gare de Sevran-Beaudottes de 20 000 à 40 000 usagers par jour. Pour Abdelhakim Zaoui, la mobilisation des commerçants, y compris par voie légale, peut peser dans la balance et forcer la mairie à demander à Grand Paris Aménagement de modifier le projet pour éviter la démolition. Il assure que la pétition papier a recueilli plus de 3000 signatures, en plus des près de 300 enregistrées en ligne.

Le maire assure que les commerçants pourront avoir un place dans le nouveau quartier

De son côté, le maire Stéphane Blanchet (divers gauche) estime que la démolition de la halle Mandela est une nécessité du fait de sa vétusté avancée, qui en vient à poser des problèmes de sécurité. Il considère aussi que le nouveau quartier de gare permettra de mieux prendre en charge les problématiques de deal, de vente à la sauvette et tout ce qui « dysfonctionne » dans le secteur.

En ce qui concerne les commerçants, il assure toutefois qu’il n’a aucune intention de les laisser sur le carreau et souhaite leur proposer d’avoir une place dans le projet de nouveau quartier de gare, tout en trouvant une solution transitoire entre la démolition en 2027 et l’ouverture des nouveaux commerces à horizon 2030. « Ça a été fait ailleurs avant nous, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le faire ici », estime-t-il.

Personnalisez votre actualité en ajoutant vos villes et médias en favori avec Mon Actu.