Terre d’expérimentation
Images de nuit à l’appui, il semble bien que la caméra ait été victime d’une petite compagnie de sangliers. Les équipes d’Every1Counts, comptant une dizaine de personnels, ont commencé leurs observations au cours de l’année 2023. Elles sont véritablement montées en puissance au printemps 2024. Sur l’exploitation, cinq différents espaces sont analysés, avec chacun leur équipement. La société travaille désormais sur une quinzaine de sites, en France ou à l’étranger, dont des vignobles bordelais très prestigieux mais La Peyruche reste son premier « terrain de jeu », là où tout a commencé : c’est « la maison », sourit Luc Talini, l’un de ses dirigeants.

Depuis 2023, la société Every1counts dirigée par Luc Talini mène une expérimentation de collecte et d’analyse de données de biodiversité, au château La Peyruche, chez Charles Weisgerber.
Jean-Charles Galiacy
« Nous sommes sur une deuxième année complète de mesures », reprend Luc Talini. Jusqu’à présent, les enregistrements ont recensé une quarantaine d’espèces au sol et une centaine qui volent. Sur place, des capteurs prennent le pouls de certains arbres ou de ceps de vigne. Une étude, en partenariat avec le laboratoire de chimie bactérienne de Marseille, s’intéresse également aux sols. « Ici, on teste, c’est vraiment notre laboratoire expérimental », insiste le cofondateur d’Every1Counts.
La société, créée en 2022, ne traque pas les sceptiques et s’adresse surtout à des convaincus de la cause environnementale, ayant besoin de « reporting » dans leur quête de labellisation ou simplement d’un suivi scientifique dans leurs différentes démarches. « C’est comme chez le médecin, on réalise un diagnostic, explique Luc Talini, qui travaillait autrefois dans l’appareillage médical. Au bout de six à huit mois, nous sommes capables de donner des indicateurs. Pour opérer une transition, il faut compter de trois à cinq ans. »

Un capteur sonore installé tout près des vignes de La Peyruche qui en compte quinze hectares.
Jean-Charles Galiacy
« Adapter nos techniques »
À Langoiran, sur sa propriété vallonnée, Charles Weisgerber ne se découvre pas une fibre écologique. Passé au bio en 2021, son château sera également biodynamique très bientôt. Le néo-vigneron, qui a racheté le domaine en 2017 après une vie parisienne, s’est mis aux engrais verts, multiplie les plantations de haies ou les jachères et aime s’aventurer dans de nouvelles pratiques, autant à la vigne qu’au chai. La plateforme Every1Counts, « cela permet d’adapter nos techniques, c’est un outil d’aide à la décision, dit-il. La nature, c’est long, ce n’est pas en six mois que nous allons révolutionner les choses. Là, nous avons des données précises au fil des saisons. »
« Les nichoirs, on n’a pas vu d’effet sur les oiseaux. En revanche, les haies, les jachères, les bois : on observe bien l’influence. »
Illustration avec les volatiles. « Ce sont nos alliés, explique le viticulteur. Nous avons ici une carrière calcaire où pioncent plusieurs mois des quantités de chauve-souris. Je souhaitais savoir comment les attirer près de nos cultures, les faire venir par des couloirs écologiques pour qu’elles combattent les prédateurs de la vigne. » La science donne ses réponses. « C’est un peu tarte à la crème mais c’est mathématique, les haies vont favoriser le développement des oiseaux, indique Luc Talini. Ce sont comme des aires sur des autoroutes. Les nichoirs, nous n’avons pas vraiment vu d’effet. En revanche, les haies, les jachères, les bois : on observe bien l’influence sur la biodiversité. »

Ici, une capture d’écran de la plateforme.
Every1counts