Des publications Facebook qui datent de 2022. « Voilà ce qu’on me reproche », souffle Yamin Makri. Ce Lyonnais de 60 ans, qui se qualifie comme « militant actif depuis toujours », – contre le racisme, l’islamophobie, et pour la laïcité, – devra répondre de ces posts qui parlaient de la Palestine, devant la justice, le 10 décembre prochain. « Je suis poursuivi pour apologie du terrorisme », déclare-t-il, abasourdi.

Il marque une pause avant de reprendre : « En trente ans de militantisme, je n’ai jamais été inquiété par la justice, je n’ai jamais été jugé pour quoi que ce soit. C’est même la première fois que je vais voir à quoi ressemble un tribunal. Je suis assez choqué. »

Le parquet de Lyon confirme la convocation devant la justice pour « apologie publique d’un acte de terrorisme commise au moyen d’un service de communication au public en ligne ainsi que provocation publique à la haine ou à la violence en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion ».

Après le « choc », l’« incompréhension »

Tout a commencé en juin. « J’ai reçu une convocation pour me rendre à la police quinze jours plus tard, sans avoir aucune idée des raisons qui motivaient cette demande », se souvient-il. Il raconte que « dès son arrivée », il a été placé en garde à vue. Il a appris les poursuites à son encontre et en suivant, qu’il serait jugé dans la soirée.

« Concrètement, on me reproche d’avoir partagé des communiqués de la résistance palestinienne et notamment du Hamas, retrace-t-il. Mais je ne soutiens pas l’organisation en particulier, je soutenais le peuple qui résiste. Dans toutes les institutions de résistance dans une guerre à travers l’Histoire, il y a des choses condamnables. Mais il ne faut pas délégitimer car il faut stopper le génocide en cours. »

Il explique que « l’action de repartager sans commentaire » relève d’une apologie du terrorisme car « on s’approprie le communiqué ». « Et si on met un commentaire qui utilise un qualificatif jugé positif, c’est aussi de l’apologie », précise-t-il. Avant d’ajouter : « Je ne comprends vraiment pas pourquoi ces publications, qui datent de 2022, sont un problème maintenant. D’autant plus que je n’utilise plus ce compte depuis à peu près la même période. »

Une « épreuve de force »

Yamin Makri interprète alors cette « répression étatique » par une « volonté de décourager d’autres militants de s’engager » pour la cause palestinienne. « On est dans une épreuve de force avec ce lancement de l’arme juridique qui crée un climat de suspicion et une accusation très arbitraire », lance-t-il.

« Rien que dans les méthodes, il y a un problème, dénonce-t-il. Le juge d’instruction m’annonce que le jugement sera finalement le 10 décembre et impose un contrôle judiciaire avec obligation de pointer tous les mois, et interdiction d’utiliser Facebook et Telegram. Le juge des libertés considère que c’est abus et rejette toutes les conditions de contrôle judiciaire. Et finalement, le juge fait appel de cette décision, demandant un pointage au commissariat toutes les semaines et l’interdiction de tous les réseaux sociaux. Seule l’interdiction des réseaux sociaux a été retenue. »

Ses biens financiers ont également été gelés, ce qui signifie qu’il n’a plus accès à ses comptes bancaires le temps de l’instruction. Le sexagénaire rappelle qu’il est père de famille, installé et inséré socialement et professionnellement.

Des méthodes qui « font peur »

En plus de cette affaire, Yamin Makri devra également répondre devant la justice pour une autre histoire car il a refusé de payer une amende de 1.000 euros après un collage sauvage à Vénissieux. Il y a un an et demi, alors qu’il effectuait une campagne d’affichage, lié au génocide en cours à Gaza, la police municipale l’a interpellé avec d’autres personnes.

« Nous ne sommes pas accusés de dégradation de biens publics, comme c’est le cas habituellement, mais d’avoir mis des photos d’enfants sans leur autorisation, indique-t-il. C’étaient des images qui circulaient partout déjà. » Le parquet indique effectivement qu’il est également convoqué le 10 décembre sur ce deuxième dossier, pour « diffusion de l’enregistrement d’images relatives à la commission d’une atteinte volontaire à l’intégrité de la personne ».

Pour ce militant, toutes ces procédures « font peur » : « Depuis le 7-Octobre, c’est impressionnant comme il existe une campagne pour faire taire la résistance. Depuis vingt-cinq ans que je me bats pour le peuple palestinien, je n’ai jamais vu ça. » Yamin Makri a fait partie de convois humanitaires à Gaza, et est parti sur des flottilles.

Une procédure qui ne fera pas « faiblir » le combat du militant

Même s’il pense que « tout est possible », jusqu’à un potentiel « emprisonnement », Yamin Marki « ne craint pas trop » le procès la semaine prochaine. « J’ai toujours eu le même discours depuis mon soutien pour la Palestine, mes actions ont toujours été publiques, mon incompréhension face aux injustices que vivent les Palestiniens aussi. Ça prouve bien qu’il y a quelque chose qui change », assure-t-il.

Avant de conclure : « Malgré toutes les procédures, mon combat ne s’affaiblira pas. Ça m’encourage au contraire à continuer encore plus la lutte. » Le parquet n’est pas en mesure de « communiquer davantage d’informations sur le fond des dossiers », rappelle-t-il.