Par
Yann Rivallan
Publié le
3 déc. 2025 à 8h12
Elle vient de subir un lifting à plus de 2 millions d’euros. Vue de l’extérieur, la résidence autonomie Bonvoisin de Rouen est charmante depuis sa rénovation en 2023. « Tout est superbe ici », insiste Dominique, retraité et résident depuis six ans. Enfin, tout « était » superbe. Au début du mois d’octobre, la soixantaine d’habitants de cette résidence pour personnes âgées autonomes a eu la désagréable surprise d’apprendre le départ de leur animatrice. « C’est bien beau de faire des travaux, mais maintenant on n’est plus qu’une coquille vide », peste Éric, un autre résident.
« Ils ne pensent qu’aux économies »
Véritable colonne vertébrale de la résidence, l’animatrice tout juste remerciée faisait pourtant l’unanimité : « Elle est merveilleuse », assurent plusieurs résidents interrogés par 76actu. Elle organisait des parties de jeux entre résidents, des sorties, elle emmenait plusieurs retraités au supermarché pour faire des courses, au restaurant, au bowling, etc.
Et elle sortait même parfois de ses missions. « Par exemple, elle nous aidait à utiliser notre téléphone, à faire des démarches sur internet », explique Stéphane, un résident.
Mais du jour au lendemain, son poste a été supprimé. « On ne comprend pas, s’agacent plusieurs retraités. Ils ne tiennent pas compte de nous, ils ne pensent qu’aux économies. »
Suppression de poste et réorganisation
« Ils », ce sont les représentants du comité social territorial, dont font partie des élus de la mairie de Rouen. Le 27 novembre 2025, ils ont validé une réorganisation des résidences autonomie de la ville suite à la création d’un nouveau service d’aide à domicile.
La conséquence pour les quatre résidences autonomie de Rouen est la suivante : les « assistantes de convivialité », autrement dit les animatrices, vont passer d’un équivalent temps plein à un demi temps plein dans toutes les résidences, pour des raisons budgétaires.
En bref, le poste de l’animatrice de Bonvoisin (dernière arrivée dans les effectifs) est supprimé et les animatrices restantes vont travailler à mi-temps sur chaque résidence. « On aura quelqu’un deux jours par semaine [au lieu de quatre] », constate Stéphane.
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Les résidents montent une pétition
Chez les résidents de Bonvoisin, on craint le pire. « Moi, ça va, j’ai ma voiture et mes proches pas loin, raconte Dominique. Mais les autres, ils font comment ? » Parmi eux, beaucoup risquent de se retrouver « isolés », nous indique-t-on.
Les missions de l’animatrice permettent justement « de rencontrer du monde, de sociabiliser, de partager des moments », explique encore Stéphane. D’ailleurs, « quand on arrive pour la première fois, la directrice nous invite à sortir de notre appartement et à participer aux animations ».
Avec une division par deux du temps de présence d’une animatrice, « ça ne va jamais le faire », pense Éric.
Ça peut paraître insignifiant, mais pour nous c’est beaucoup.
Dominique
Un résident de Bonvoisin
C’est un quotidien chamboulé. « Et le risque qu’on continue de grignoter des postes », s’inquiète un autre résident.
Face à cette situation, une grande partie des résidents ont signé une pétition pour réclamer le maintien de l’animatrice. « On a même proposé d’augmenter notre loyer pour qu’elle reste », indique Stéphane.
Il n’y avait pas le choix, selon une adjointe
Interrogée sur cette décision, l’adjointe au maire de Rouen en charge des solidarités, Caroline Dutarte, assure qu’il n’y avait pas le choix.
Nous avons opéré une réorganisation car nous avions l’obligation de créer un service autonomie d’aide à domicile à Rouen pour nous conformer à un décret national.
Caroline Dutarte
Adjointe au maire de Rouen
Jusqu’alors, les aides à domicile de la Ville de Rouen travaillaient exclusivement dans les résidences autonomies. Avec ce nouveau service, elles vont devoir partager leur temps entre les résidences et les domiciles des personnes âgées.
Conséquence, « nous avons dû augmenter le temps de présence des gardiens des résidences », explique Caroline Dutarte. Car il est obligatoire d’avoir une présence 24h sur 24 et 7 jours sur 7, en l’absence des aides à domicile.
Forcément, tout ça, c’est « un budget en plus », convient l’adjointe au maire. Le comité social territorial a donc décidé de « réduire le temps d’animation » pour assumer ces coûts supplémentaires.
« Nous travaillons au bénéfice de tous »
Pour le cas de la résidence Bonvoisin, Caroline Dutarte dit comprendre qu’un « lien très fort » unissait les résidents et leur animatrice. « Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’on se sépare d’elle, assure l’adjointe. On lui a proposé un autre poste dans un service de la Ville qui correspond à ses compétences mais elle l’a refusé. »
Nous travaillons au bénéfice de tous. Nous n’avons pas envie de perdre en qualité d’accueil.
Caroline Dutarte
Adjointe au maire de Rouen
Pour conserver ce lien entre résidents, l’adjointe propose de renforcer et multiplier les ateliers de différentes associations au sein de la résidence. À terme, la solution pourrait être de « faire intervenir le service animation de la maison des aînés », évoque l’élue. De quoi peut-être compenser d’ici quelques mois la perte des deux jours d’animations occasionnée par cette réorganisation.
Chez les résidents interrogés, on sent de la résignation : « Maintenant c’est trop tard, souffle l’un d’eux. On n’a pas eu notre mot à dire. Et personne n’a répondu à notre pétition… »
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