Des travaux à la croisée des enjeux sanitaires mondiaux. Spécialiste de la phylodynamie et récompensée pour ses recherches majeures menées à Toulouse et en Asie, Claire Guinat travaille au service de la surveillance sanitaire et des politiques publiques. Cette dernière vient d’être distinguée du Laurier « Espoir scientifique » 2025 par l’INRAE, mettant en lumière une jeune chercheuse dont les travaux se situent au cœur des grands enjeux sanitaires mondiaux. Rattachée à l’UMR IHAP à l’École nationale vétérinaire de Toulouse, la vétérinaire mobilise épidémiologie, génomique et phylodynamie pour mieux comprendre les mécanismes des maladies infectieuses animales, en particulier l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP).

Une approche intégrative pour comprendre les virus

Spécialiste reconnue de la phylodynamie, Claire Guinat s’attache à décrypter les dynamiques invisibles de transmission. « C’est une approche qui permet de relier la génétique des virus à leur dynamique de transmission », explique-t-elle dans un article de l’INRAE. En comparant les séquences génétiques issues d’animaux contaminés, elle reconstitue les liens épidémiologiques et identifie les facteurs favorisant la propagation.

Ses travaux ont pour objectif d’anticiper l’émergence des virus dans des contextes de plus en plus instables. « Mes recherches visent à comprendre comment évoluent, émergent et se transmettent les maladies infectieuses animales », souligne-t-elle, rappelant que les épidémies d’IAHP sont désormais « de plus en plus fréquentes et sévères ».

TrackFLU, un projet européen pour traquer les virus au Cambodge

Lauréate d’une prestigieuse bourse ERC Starting Grant, Claire Guinat pilote le projet TrackFLU (2024-2029), centré sur les marchés d’oiseaux vivants au Cambodge, véritables « écosystèmes favorables » à la circulation virale. « Nous essayons d’identifier les pratiques qui favorisent ces risques », détaille-t-elle, évoquant des premières hypothèses liées à « la mixité des espèces, le temps de présence des oiseaux sur place ou encore leur densité ».

Le projet, mené avec l’Institut Pasteur du Cambodge et des partenaires locaux, permettra à terme d’échanger directement avec les acteurs de terrain afin de proposer des stratégies de réduction des risques réellement applicables.

© INRAE

Des retombées concrètes pour les politiques publiques

Les travaux de la chercheuse toulousaine s’appliquent déjà sur le terrain.

Nous avons montré… que la proximité et la densité d’élevages de canards influençaient de façon majeure la circulation du virus sur le territoire français », rappelle-t-elle.

Ces résultats ont servi de base à des cartes de risque utilisées par le ministère de l’Agriculture pour ajuster la réglementation nationale.

Son expertise est également sollicitée au niveau européen, notamment au sein de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), où elle contribue à des avis scientifiques sur la surveillance et le contrôle de l’IAHP. « Cela me permet de partager mes connaissances… et de contribuer directement à des avis scientifiques qui orientent les décisions publiques », détaille-t-elle.

De nouvelles pistes de recherche

Au début de sa carrière, Claire Guinat souhaite élargir ses travaux à d’autres maladies animales et structurer un groupe dédié à la phylodynamie.

« J’encadre actuellement deux doctorantes et une postdoctorante… et c’est un aspect du métier que je trouve particulièrement stimulant », dit-elle. De nouveaux projets, VIVACE et ZOOFLU, l’amèneront bientôt à superviser de nouvelles recherches sur l’évolution virale et l’impact de la vaccination.

Attachée à la dimension collaborative de son métier, elle aspire à poursuivre dans une dynamique internationale :

J’aimerais continuer à faire partie d’une équipe de recherche internationale et interdisciplinaire, tout en préservant une belle dynamique scientifique et humaine. »

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