La France doit à nouveau montrer les muscles, se positionner comme « une grande puissance polaire » et intégrer « beaucoup plus la question géopolitique et de défense » en Arctique et Antarctique face au « retour des tensions et des menaces » dans ces régions, affirme un rapport publié mercredi.
Dans ces zones stratégiques riches en ressources naturelles, où s’ouvrent de nouvelles routes commerciales en raison du changement climatique, la « stratégie polaire française » dessinée il y a trois ans « souffre d’un décalage avec les transformations géopolitiques survenues depuis 2022 » et l’invasion de l’Ukraine par la Russie, souligne dans ce document l’envoyé spécial du président Emmanuel Macron pour les Pôles et l’Océan, Olivier Poivre d’Arvor.
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« La montée des tensions internationales dans l’Arctique, la militarisation de certaines zones et la fragmentation de la coopération scientifique internationale remettent en question l’approche initialement fondée sur le multilatéralisme et la science ouverte », écrit-il.
Plus généralement, « la compétition stratégique entre Russie, Chine et États-Unis conduit à une course pour le contrôle des ressources polaires, en premier lieu les minerais critiques et les ressources énergétiques ». Dans ce contexte, la nouvelle stratégie française pour la période 2026-2040 doit « intégrer de manière beaucoup plus centrale la question géopolitique et de défense », en particulier dans l’Arctique où « sept des huit États riverains (sont) désormais membres de l’Otan ».
100 millions d’euros à investir sur 10 ans
La France doit viser à devenir « une grande puissance polaire au service de la paix, de la science et de la protection des écosystèmes de la cryosphère (espaces glacés) », ajoute l’auteur.
Dans le domaine militaire, Olivier Poivre d’Arvor propose notamment de « renforcer [les] partenariats de défense avec les États membres de l’Otan présents en Arctique », via notamment « la participation régulière à des exercices conjoints en conditions polaires » et « le partage de renseignement, d’analyses et de retours d’expérience sur les dynamiques arctiques ». Côté scientifique, le rapport suggère d’investir 100 millions d’euros sur dix ans pour « renouveler les infrastructures scientifiques » et notamment se doter de « deux nouveaux navires de recherche polaire ». Si le rapport est largement consacré à l’Arctique, il alerte sur les nouveaux enjeux dans l’autre pôle.
Une base de recherche dès 1963
« L’Antarctique, certes préservé par un traité très ambitieux et privilégiant la paix, la coopération scientifique, et l’absence d’activités extractives – c’est-à-dire l’exact contraire de ce qui se passe aujourd’hui en Arctique –, pourrait devenir dans la décennie à venir la prochaine perspective stratégique de trois des grandes puissances que sont les États-Unis, la Chine et la Russie », alerte le document.
« Ces trois pays détiennent à eux seuls un tiers de l’ensemble des bases permanentes de recherches en Antarctique et semblent se projeter dans une révision du Protocole de Madrid relatif à la protection de l’environnement antarctique, quand cela deviendra possible en 2048, avec une approche où l’exploitation des ressources considérables du Continent blanc prendra clairement le dessus sur leur protection », souligne-t-il.
Puissance historiquement présente aux pôles, la France a installé sa première base de recherche scientifique en 1963 dans l’archipel arctique du Svalbard (Norvège). Elle dispose également de deux stations de recherche permanentes en Antarctique.