Par
Julie Bossart
Publié le
4 déc. 2025 à 6h04
Le blues qui règne aux abords du Petit Journal Saint-Michel devrait se dissiper. Installé au 71 du boulevard du même nom, dans le 5e arrondissement, juste en face du jardin du Luxembourg, ce temple parisien du jazz a brutalement fermé fin février 2025, aussitôt sa liquidation judiciaire prononcée. La minuscule (80 places), mais non moins emblématique adresse du Quartier latin devrait toutefois pulser à nouveau, une offre de reprise venant d’être validée, a appris actu Paris.
Depuis sa création par André Darmon il y a plus d’un demi-siècle (1969), le Petit Journal Saint-Michel avait acquis une solide réputation auprès des musiciens amateurs et professionnels. Entre des murs tapissés d’anciennes unes de journaux, de grands noms y avaient fait résonner leurs instruments, comme le tromboniste Daniel Barda, les pianistes Michel Petrucciani et Claude Bolling, le violoniste Stéphane Grappelli, le chanteur Claude Nougaro, le saxophoniste Manu Dibango…
Une fermeture la mort dans l’âme
Dans les années 2010, toutefois, de mauvaises vibrations ont parcouru le lieu, à l’image de la menace de son remplacement par un restaurant asiatique, évité de justesse. Repris en 2018 par Mehmet Terkivatan, le jazz club ne parviendra pas à surmonter les difficultés financières engendrées, selon son propriétaire, par les crises liées aux gilets jaunes, le Covid-19 ou des dégâts occasionnés dans la salle par des fuites d’eau des canalisations de la cour de l’immeuble. La mort dans l’âme, Mehmet Terkivatan reconnaîtra ses torts dans un communiqué diffusé sur la page Facebook du club et déclarera « ne garder que les bons moments faits de chaleur humaine autour de cette merveilleuse musique vivante ».
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Des musiciens se mobiliseront dans le but de créer une Fondation du Petit Journal Saint-Michel. Il sera aussi question de faire appel au ministère de la Culture, la Mairie de Paris et l’Unesco, nous rappelle Le Figaro. Le salut est finalement arrivé, depuis les États-Unis.
C’est en effet le PDG d’une entreprise new-yorkaise spécialisée dans l’hôtellerie-restauration haut de gamme, et qui a joué un rôle important dans le développement de la scène hôtelière et nocturne du centre de la « capitale du monde », vante-t-elle sur son site, qui est le nouveau propriétaire du Petit Journal Saint-Michel. La transaction, gérée par l’agence Point de vente du 16e arrondissement, s’élève à 300 000 euros. À l’origine de ce deal ? Simonez Wolf, un homme dont le nom qui n’est pas étranger aux noctambules des deux côtés de l’Atlantique.

L’histoire du lieu commence en 1969, lorsque André Darmon rachète le pub situé au 71, boulevard Saint-Michel et tapisse ses murs d’anciennes unes de journaux. (©JB/actu Paris )
Fils d’une restauratrice parisienne et d’un professeur américain, ce presque quinquagénaire est un entrepreneur touche-à-tout, qui a fait ses armes dans le milieu de la nuit à Paris et à New York. En 2012, l’AFP lui consacrait un portrait, rappelant comment cet étudiant en sociologie était devenu le portier du Béatrice Inn, un cabaret niché au cœur du West Village, puis mènera le mouvement local des soirées improvisées ou clandestines. Bien qu’ayant côtoyé une multitude de stars et ayant été courtisé par différents clubs, Simonez Wolf a réussi à conserver son humilité. Et c’est avec cette même humilité qu’il aborde la reprise du Petit Journal Saint-Michel.
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« Cette connexion entre New York et Paris, on veut la rétablir »
Si la façade du club n’a rien perdu de son charme, avec ses murs vert sapin et ses réverbères or suspendus, l’intérieur apparaît bien triste et poussiéreux, constate-t-on en plaquant son nez aux vitres. « Le projet est de refaire vivre cet endroit magique, insiste le directeur artistique. Il a besoin d’un lifting, mais on ne veut en aucun cas modifier son âme. Contrairement aux Américains, qui font du vieux avec du neuf, nous, en France, on sait conserver l’authenticité des choses. »

Les nouveaux propriétaires du Petit Journal Saint-Michel veulent à tout prix conserver l’âme des lieux, mais reconnaissent qu’un petit lifting n’est pas de trop. (©JB/actu Paris)
Simonez Wolf insiste également sur l’autre volonté du propriétaire, qu’il fait sienne : faire renaître un lieu culturel et de rencontre dans le 5e arrondissement, qu’il affectionne. « Le jazz est né aux États-Unis, mais il ne faut pas oublier que la France, plus particulièrement la Rive gauche à Paris, été a été un refuge pour les musiciens tels que Dexter Gordon, Bud Powell et Chet Baker. Cette connexion entre New York et Paris, on veut la rétablir. Car si on ne l’entretient pas, elle disparaît », plaide-t-il.
Pour y parvenir, Simone Wolf sait qu’il devra montrer patte blanche : « J’entends déjà des gens dire qu’on veut faire un night-club, une discothèque… Bref, des lieux qui pourraient nuire à la tranquillité des riverains. Je sais que c’est un point de crispation à Paris, mais nous, tout ce qu’on veut, c’est donner une nouvelle chance à ce morceau de patrimoine. »
Avant de pouvoir refranchir les portes du Petit Journal Saint-Michel, différentes autorisations liées au respect des normes dans l’établissement notamment devront avoir été obtenues. L’ouverture est espérée pour le printemps 2026.
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