C’est un geste précis. Une manipulation assez simple mais qui demande rigueur et concentration. Plonger le pichet dans une grande cuve en cuivre, le remplir de cet épais mélange fruité chauffé à 110 degrés, puis le verser dans un pot de verre, sans en mettre à côté. Pour ne pas se brûler, ni rien gaspiller. Ce geste, les religieuses de l’abbaye d’Echourgnac le maîtrisent parfaitement. Depuis plus de quarante ans, ces sœurs trappistines installées en Dordogne se transmettent ce savoir-faire.
« L’atelier de confiserie a été imaginé après un incendie qui avait frappé la fromagerie. La communauté avait décidé de se diversifier pour ne pas dépendre d’une seule activité », raconte sœur Annabelle. La religieuse est aujourd’hui à la tête de la confiserie, d’où sortent environ 600 pots de confiture chaque semaine, vendus uniquement au magasin de l’abbaye. Un vrai succès local qui s’exporte depuis quelques jours sur Internet.
Confrontées à des pépins physiques liés à ce travail manuel, les sœurs ont décidé de vendre une partie de leurs confitures via le site Divine Box, dans le but de s’offrir une machine de dosage. « A force de mettre en pot, on a mal au poignet. Parce qu’on doit prendre le pichet à bout de bras. C’est lourd. Et quand on le répète, ça fait mal », reconnaît sœur Annabelle. « Ça nous fatigue beaucoup. Alors, on tourne, pour ne pas que ce soit la même personne qui le fait pendant trois heures. Mais ça reste difficile », confirme sœur Aurore.
Deux mille pots de confiture à vendre
A cause de ces douleurs, la religieuse a été écartée de la confiserie pendant trois mois. Un véritable crève-cœur pour cette communauté catholique, qui vit de prière et de travail manuel. « Notre temps de travail aussi doit s’accompagner de prières. Ce n’est pas uniquement une production », rappelle sœur Annabelle. Avec l’aide de kinés, les religieuses ont pu soulager leurs douleurs. « Ça va beaucoup mieux maintenant », rassure sœur Aurore.
Soeur Annabelle et les religieuses de l’abbaye d’Echourgnac souffrent de la répétition de la mise en pot de leurs confitures. - Vincent Royer / Abbaye d’Echourgnac
Pour apaiser ce que les médecins appellent des « troubles musculosquelettiques », qui touchent tous ceux qui travaillent à la chaîne, les sœurs voudraient une machine. Un simple appareil de dosage qui suffirait à leur bonheur. Montant de l’investissement : « Un peu plus de 3.000 euros. Peut-être un peu plus », explique sœur Annabelle. Un détail pour n’importe quel industriel. Une montagne pour cette communauté autogérée, qui vit des ventes de ses fromages, de ses confitures et d’un peu d’hôtellerie.
Pour financer cet achat, les sœurs ont lancé ce qu’elles ont appelé « une opération confitures ». D’ici le dimanche 7 décembre, elles espèrent vendre 2.000 pots de ces concentrés de fraises, d’abricots-lavande ou encore de poires et de gingembre. Des fruits issus du potager de l’abbaye ou achetés à des producteurs locaux et qui sont proposés en pots de 320 grammes.
Une connexion « avec le seigneur » mais c’est tout
Pour lancer leur vente, les religieuses ont été invitées à se mettre en scène par la plateforme spécialisée Divine Box qui vend leurs produits. Elles qui vivent sans télévision, quasiment sans téléphone portable ni ordinateur ont donc vu leur visage s’afficher sur la plateforme YouTube depuis quelques jours. « C’était la première fois qu’on le faisait. Ce n’était pas facile mais on a pris plaisir », reconnaît sœur Annabelle en éclatant de rire.
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Dans cette communauté cistercienne qui réunit 19 religieuses âgées de 33 à 90 ans, la prière passe avant tout. Les sœurs se lèvent chaque matin à 4h25 pour entamer cette journée tournée vers Dieu, avant de rejoindre leur atelier vers 9h30. Le temps libre ? Il est rare. Mais contrairement à la majorité des Français, ce n’est pas sur un téléphone que les sœurs le passent. « Normalement, on ne va presque jamais sur les réseaux sociaux et sur Internet. » Sœur Annabelle préfère se connecter « avec le seigneur » plutôt que de se perdre sur la Toile mondiale. « Nous utilisons très peu les téléphones portables ici. C’est un choix de communauté. Les sœurs préfèrent se centrer sur leur vie monastique », rappelle la religieuse. L’urgence de trouver cette machine les oblige à s’ouvrir vers le reste du monde.