Reprendre les codes de la génération Z, ou Gen Z (les 18-25 ans) pour les inciter à voter. C’est le pari que se lance Aix-Marseille Université avec une campagne inédite pour les élections municipales de 2026.

© D.R. – Des références à Jul, Théodora, ou encore de l’Olympique de Marseille pour attirer le regard des jeunes. 

Intitulée “L’indifférence ne fait pas la différence”, cette campagne d’affichage, aux couleurs flashy et slogans faisant référence à cette jeunesse, s’accompagne d’une grande enquête menée avec la Fondation Jean Jaurès et l’Ifop et dont les résultats seront transmis aux candidats.

Le président d’Aix-Marseille Université, Eric Berton, nous explique les enjeux de cette campagne.

© Clément Puig – Eric Berton, président d’Aix-Marseille Université. 

Les Nouvelles Publications : Pourquoi avoir lancé cette campagne pour ce rendez-vous politique local et pas avant ? Quel a été le déclic ou le besoin ?

Eric Berton : 40 % de nos jeunes ne se rendent pas aux urnes. Ce chiffre traduit une fracture entre les jeunes et la vie démocratique. C’est, pour nous, un gros problème.

Chez ces jeunes, il y a une impression de distance, d’invisibilité. Pourtant, ils sont en première ligne des grands enjeux car concernés par le logement, l’environnement, l’emploi ou encore le vivre ensemble.

Paradoxalement, ces jeunes sont très engagés. 45 % d’entre eux à AMU sont impliqués dans des causes ou associations.

On a lancé cette campagne citoyenne pour les accompagner jusqu’aux élections municipales. L’échelon municipal est adapté car c’est un vote local qui façonne le quotidien des jeunes. C’est une façon de redonner du sens au vote. Notre objectif est d’encourager la participation démocratique, valoriser leur parole et faire parler d’eux.

Est-ce le rôle d’une université ?

Notre mission ce n’est pas simplement de faire de la recherche et de la formation. C’est aussi de former des citoyens. Cette campagne sert à revaloriser le vote comme un engagement et redonner du sens à la participation démocratique de nos étudiants. C’est une démarche citoyenne et évidemment, apolitique.

Comment se sentent les jeunes face au climat politique actuel ?

Les jeunes pensent que les politiques sont trop éloignés des problématiques, qu’ils sont trop déconnectés de leurs préoccupations. Ils estiment que leurs décisions ne les impactent pas. C’est pour ça qu’on a lancé cette campagne citoyenne avec le vote local, pour les municipales.

Actuellement, la jeunesse est dans un état désastreux; elle ne mange pas, ne se soigne pas, avec une santé mentale catastrophique, etc. Aix-Marseille université se bat pour un revenu universel, pour que tous les étudiants puissent avoir une allocation d’études, car investir dans la jeunesse c’est investir dans le futur. L’université est là pour être leur porte-voix. On leur propose de se faire entendre et de se faire comprendre.

Cette campagne inédite s’articule autour de plusieurs axes. Expliquez-nous.

Après la campagne d’affichage sur le racisme et l’antisémitisme, nous avons décidé d’en faire une sur le vote avec des slogans de Jul, Théodora et du folklore de l’Olympique de Marseille. Le but, c’est que par le biais d’un QR Code, on explique aux jeunes les démarches à suivre pour s’inscrire sur les listes électorales, l’importance de celles-ci, etc.

Cet affichage donne aussi accès à une plateforme pédagogique, ludique, pour comprendre les enjeux locaux, le fonctionnement des élections municipales, et pour poser des questions aux candidats.

Cette campagne s’accompagne d’une grande enquête menée avec la Fondation Jean Jaurès et l’Ifop qui donne la parole aux étudiants sur leurs attentes et freins électoraux, depuis le 24 novembre dernier. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Cette enquête, sur trois semaines, permet de mieux connaître la jeunesse, ses modes d’engagement et son rapport à la société.

Cette démarche scientifique se déploie sur toutes les villes d’AMU, auprès de nos 82 000 étudiants. Au terme de cette enquête, on va pouvoir fournir aux politiques les véritables problématiques de la jeunesse d’Aix-Marseille université dans leur ville.

On fait ce cadeau aux politiques en leur donnant l’état de la jeunesse de manière indépendante et apolitique. S’ils ont envie d’avoir des idées concrètes, adaptées, pragmatiques qui intéressent la jeunesse, ils pourront avoir les résultats et propositions.

Quels sont les retours des candidats ?

Vous dire qu’ils sont tous positifs, je m’avancerais. Les politiques sont très attentifs à la démarche. Ils sont en attente. J’ai eu cette idée car j’en avais un peu marre, qu’ils s’imposent sur les campus et sollicitent nos étudiants. J’ai préféré inverser la chose. Nous allons vers eux, mais avec une démarche scientifique et une enquête faite par des gens sérieux. Les politiques doivent s’en emparer.

C’est une campagne inédite en France, d’autres universités vous ont-elles emboîté le pas ?

Chaque fois qu’on en parle, on me dit que c’est une super idée, mais pour l’instant non. Ce n’est que le début de la campagne, ça viendra peut-être plus tard.

Quelle est la suite ?

Une fois l’enquête terminée, nous lancerons un forum-débat, à Marseille et à Aix-en-Provence, où on invitera les têtes de listes uniquement pour réagir et répondre aux questions des étudiants.

Je leur demanderai directement de prendre trois engagements concrets devant nos étudiants. Si les politiques veulent prendre les choses en main ils auront les clés.

Quel est votre message pour la jeunesse ?

Si tu ne t’occupes pas de la politique, la politique s’occupera de toi. Ce n’est pas un tweet qui va changer ta vie cependant un bulletin dans une urne le peut. Si tu ne votes pas, la citoyenneté s’en va et quand elle s’en va, les extrêmes arrivent.