Emmanuel Macron est arrivé ce mercredi en Chine pour une visite d’Etat qui doit durer deux jours. Au menu des discussions avec son homologue Xi Jinping : la guerre en Ukraine. Le président français devrait appeler une nouvelle fois le président chinois à « peser » sur la Russie pour convaincre Vladimir Poutine d’accepter un cessez-le-feu.
Une mission qui s’annonce délicate, voire impossible, vu la proximité, notamment économique, entre Pékin et Moscou. « La Chine fournit à la Russie des matières premières, des composants électroniques et toutes sortes de technologies, ainsi que des machines-outils qui permettent non seulement à l’économie russe de se maintenir mais, plus encore, à l’industrie de défense russe de monter en gamme », explique Marc Julienne, directeur du centre Asie de l’Ifri et spécialiste de la Chine.
Records commerciaux
La Chine continue également de s’approvisionner en Russie pour ses hydrocarbures. Une aubaine pour Moscou, sous le feu des sanctions internationales. « Pour la Chine, c’est intéressant car elle achète son pétrole à un prix défiant toute concurrence, souligne Marc Julienne. Cela permet de faire entrer des devises en Russie pour alimenter l’économie ou de racheter des produits chinois avec ces devises. »
Une collaboration que Pékin assume. « La Chine mène une coopération économique, commerciale et énergétique normale et légitime avec les pays à travers le monde, y compris la Russie », avait ainsi affirmé un porte-parole des Affaires étrangères, Lin Jian. Selon les chiffres officiels chinois, les échanges commerciaux entre la Chine et la Russie ont atteint le chiffre record de 240 milliards de dollars en 2023, soit une augmentation de plus de 64 % depuis 2021.
« Objectivement il y a des échanges économiques très importants entre la Russie et la Chine », pose Marc Julienne. Mais est-ce pour autant un soutien solidaire envers un pays allié ? Le spécialiste s’accorde plutôt sur un « partenariat intéressé » qui répondrait davantage à des enjeux nationaux. « La Chine est dans une situation économique intérieure très compliquée : elle a une production industrielle massive mais n’a pas de demande intérieure. Tout marché d’exportations est intéressant et la Russie en fait partie. »
Composants chimiques explosifs, semi-conducteurs, machines-outils qui permettent la fabrication de chars et de drones… Ces exportations alimentent néanmoins la machine de guerre russe, au grand dam des alliés de l’Ukraine. Oui mais, « la Chine ne transfère pas directement d’armes létales à la Russie », précise le spécialiste. Une distinction importante qui permet à Pékin de défendre sa neutralité de façade dans le conflit entre Kiev et Moscou, tout en flirtant avec la limite.
Appui diplomatique
Si le soutien économique peut être interprété comme un calcul pragmatique, le soutien diplomatique et politique est plus clair. Et ce, dès 2014 avec l’annexion de la Crimée par Vladimir Poutine. « Il se retrouve isolé sur la scène internationale et la Chine lui permet de briser cet isolement, de montrer qu’il a des partenaires avec lesquels il peut coopérer, y compris sur le plan militaire. Encore aujourd’hui, il y a des exercices militaires réguliers entre la Chine et la Russie », explique Marc Julienne, qui rappelle la « dimension symbolique » de cette amitié affichée « face aux Occidentaux ».
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Les deux chefs d’Etat se sont rencontrés à de nombreuses reprises ces dernières années. Début septembre, Vladimir Poutine était même à droite de son homologue chinois pour assister à un grand défilé militaire commémorant la fin de la Seconde Guerre mondiale, à Pékin. Par ailleurs, la Chine n’a jamais condamné la Russie pour l’invasion de l’Ukraine, imputant la responsabilité du déclenchement du conflit aux Européens et aux Etats-Unis, et s’oppose systématiquement aux sanctions à l’encontre de Moscou. « Les deux ont un partenariat stratégique, très important, très solide, nuance le spécialiste de la Chine. Mais il ne faut pas être dupe de l’image qu’ils cherchent à projeter ».