Dans l’amphithéâtre de la Toulouse School of Economics (TSE), l’ancien président de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Toulouse, Philippe Robardey, s’est mué en animateur de débat. Avec d’autres vieux briscards de l’économie et de la recherche toulousaine [1], il s’est en effet lancé dans un travail de réflexion sur l’attractivité du bassin toulousain à l’horizon 2050. Une tâche organisée par le Club des utilisateurs de système d’information (Cusi) d’Occitanie pour le compte du Conseil de développement de Toulouse Métropole (Codev), organe de réflexion sur les politiques publiques et les grands projets métropolitains.

L’ex-dirigeant de Sogeclair passe quatre décideurs toulousains à la question avec l’idée d’en tirer des leçons pour l’avenir de Toulouse. Le plus célèbre invité est Didier Lacroix, le président du Stade Toulousain. Comment expliquer le très grand succès du club de rugby de Toulouse ? « C’est une très longue histoire de 120 ans. Quand on arrive, on récupère un témoin qu’on passera à son tour. Le Stade Toulousain produit ce qui s’est passé dans tout le pays lors des Jeux olympiques de 2024 : les gens s’arrêtent de râler. Pendant un temps, il n’y a plus de droite ou de gauche. Il n’y a plus d’ouvrier ou de patron. On emporte les gens loin du quotidien. On est dans l’universel de l’instant. Toulouse a compris l’importance d’agir pour préserver ces moments qui fédèrent », confie avec enthousiasme le dirigeant sportif, qui salue « le soutien constant du monde économique ». « Sans de grandes figures patronales comme Claude Goumy et Jean-Claude Terrazzoni, le Stade n’aurait pas connu cette réussite », observe Didier Lacroix.

« Toulouse peut compter sur la vitalité de ses réseaux »

Pour réussir collectivement, il est en effet important que « les différents milieux toulousains se rencontrent », selon Natacha Laurent, qui a dirigé la Cinémathèque de Toulouse de 2005 à 2015. « On peut dépasser les peu productives rivalités de son propre secteur d’activité en sortant de l’entre-soi », considère l’historienne des cinémas russe et soviétique. Selon la chercheuse, Toulouse « doit être fière et profiter du bouillonnement », de divers secteurs de sa société locale. « Au niveau culturel, par exemple, il y a une profusion, un foisonnement. Certains pourraient y voir un léger désordre, mais c’est un atout. Toulouse est une terre de rugby mais aussi de culture et de cinéma. Il faut se servir de cette histoire. Toulouse est aussi une ville universitaire avec beaucoup de jeunes. Il faut utiliser cette énergie », résume Natacha Laurent. Pour elle, un obstacle au développement de Toulouse demeure le « centralisme à la française ». « C’est plus facile de convaincre au niveau international que national. Pourtant, régional, national, international, il faut se développer de concert sur ces trois échelons », affirme l’universitaire.

Un avis partagé par Alain Di Crescenzo, président de CCI France, ancien président de la Chambre de commerce et industrie d’Occitanie. « Nous sommes dans une compétition mondiale dans une planète qui va une vitesse folle. Mais Toulouse peut compter sur la vitalité de ses réseaux, sur des fonds d’investissement comme l’Irdi, qui soutiennent des projets sur le temps long, ou encore sur une administration pro-business qui défend des infrastructures de transports ou événementielles qui portent plus haut l’économie », explique le Toulousain d’adoption.

Un nouveau tiers-lieu pour développer le bassin toulousain

Selon Guillaume Costelcade, président de l’incubateur Nubbo, Toulouse pourrait faire encore mieux. « Il faudrait un décloisonnement plus important encore entre secteurs. Notamment entre le monde de la recherche et l’entreprise et à l’intérieur même du monde de la recherche. On pourrait peser ensemble bien plus fort », estime l’entrepreneur en biotech. Didier Lacroix abonde dans ce sens : « La question, c’est de savoir comment on passe d’événements où tous ces différents mondes toulousains se croisent à des réunions plus approfondies dans le quotidien ? »

L’équipe organisatrice de l’événement du jour propose justement la création « d’un tiers-lieu facilitant les interactions entre enseignement supérieur, innovation, industrie, services et finance » afin d’avoir « une approche globale et non plus en silos sur divers sujets de développement (mobilité, urbanisme, culture, etc.) ». Après avoir fini d’entendre leurs quatre invités, la cinquantaine de participants sont répartis en groupes de travail pour commencer à plancher sérieusement sur la question.

Matthias Hardoy

Sur la photo : Le mardi 2 décembre au sein de Toulouse School of Economics (TSE), le Club des utilisateurs de système d’information (Cusi) d’Occitanie a lancé un travail de réflexion sur l’attractivité du bassin toulousain à l’horizon 2050. Crédit : TSE.

Notes

[1] L’économiste Jacques Crémer, l’expert en transformation numérique Pierre-Henri Cros, Éric Laffont-Baylet, administrateur du groupe La Dépêche, Stefan May, d’Aumovio, le biochimiste Pierre Monsan et le président de la communauté d’universités et établissements de Toulouse, Michael Toplis.