Après une ultime nuit de négociation, Parlement et Conseil s’accordent sur l’arrêt progressif des importations, avec la fin du gaz naturel liquéfié russe dès 2026 et du gaz par gazoduc au plus tard le 30 septembre 2027.
Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui
L’Union européenne est entrée, dans la nuit du 2 au 3 décembre, dans ce que plusieurs négociateurs qualifient déjà “d’ère post-gaz russe”. Au terme d’une troisième session de trilogue conduite par la présidence danoise du Conseil, eurodéputés et États membres se sont entendus sur un calendrier contraignant de sortie des importations de gaz naturel en provenance de Russie — une rupture de dépendance dont Bruxelles parlait depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022, mais qu’aucun texte n’avait encore formellement scellée. Avec cette décision, le Kremlin estime ce mercredi 3 décembre que l’UE « se condamne » à « accélérer sa perte de puissance ».
Une rupture stratégique avec l’héritage gazier russe
Depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022, l’UE a drastiquement réduit sa consommation de gaz russe. De près de 45 % des importations totales de gaz en 2021, cette part est tombée à 19 % en 2024, puis estimée à 13 % en 2025 — mais cela représente encore 15 milliards d’euros d’achats annuels qui financent indirectement l’effort de guerre du Kremlin. La part de la Russie dans les importations de gaz par gazoduc de l’UE est passée de plus de 40 % en 2021 à environ 11 % en 2024. Pour le gaz par gazoduc et le GNL combinés, la Russie représentait moins de 19 % des importations totales de gaz de l’UE en 2024. Cette baisse a été rendue possible principalement grâce à une forte augmentation des importations de GNL et à une réduction globale de la consommation de gaz dans l’UE.
Les importations en provenance de Russie sont passées de plus de 150 milliards de mètres cubes (BCM) en 2021 à moins de 52 BCM en 2024. Cette baisse a été principalement compensée par l’augmentation des importations en provenance d’autres partenaires. Les importations en provenance des États-Unis sont passées de 18,9 BCM en 2021 à 45,1 BCM en 2024. Les importations en provenance de Norvège ont augmenté, passant de 79,5 BCM en 2021 à 91,1 BCM en 2024. Les importations en provenance d’autres partenaires ont augmenté, passant de 41,6 BCM en 2021 à 45 BCM en 2024. La Norvège était le premier fournisseur de gaz de l’UE en 2024, fournissant plus de 33 % de toutes les importations de gaz avec 91,1 milliards de mètres cubes. Suivent les États-Unis avec 45,1 BCM, l’Algérie avec 39,2 BCM et la Russie (par gazoduc) avec 31,6 BCM et via du gaz naturel liquéfié (GNL) à hauteur de 20 BCM. En 2024, l’UE a importé plus de 100 BCM de GNL. Les États-Unis étaient le premier fournisseur de GNL de l’UE, représentant près de 45 % des importations totales de GNL. Les importations en provenance des États-Unis en 2024 ont plus que doublé par rapport à 2021. Les plus grands importateurs de GNL dans l’UE sont la France l’Espagne et l’Italie. À noter qu’une partie de ces importations de GNL est réexportée vers d’autres pays. C’est particulièrement vrai pour la France et l’Espagne qui possèdent un grand nombre de terminaux méthaniers.
Un découplage en deux temps
Le compromis prévoit une interdiction des importations de GNL russe dès l’entrée en vigueur du règlement, au début de l’année 2026 pour les achats sur le marché spot mais aussi un arrêt total des importations de gaz par gazoduc le 30 septembre 2027. Cette date, objet de vifs débats, marque une voie médiane entre les ambitions du Parlement, qui visait le 1ᵉʳ janvier 2027, et la position défendue par plusieurs États membres, qui ne voulaient pas d’un couperet avant 2028. L’échéance pourra toutefois être repoussée “au 1ᵉʳ novembre 2027 au plus tard” si les objectifs européens de remplissage des stocks, inscrits dans un autre règlement, n’étaient pas atteints. Les députés ont également obtenu de la Commission un engagement à présenter début 2026 un projet législatif visant à bannir tous les imports de pétrole russe d’ici fin 2027. Une perspective encore sensible pour certains États, mais jugée indispensable par le Parlement.
Un mécanisme d’urgence… supposé impossible à activer
Pour ménager les capitales les plus inquiètes d’un choc d’approvisionnement, un mécanisme de suspension temporaire du ban a été intégré. Mais les eurodéputés ont obtenu des conditions si strictes qu’un négociateur confie : “Il est supposé être impossible à utiliser”. Pour qu’une suspension de quatre semaines maximums soit envisagée : un État membre devra déclarer une crise d’approvisionnement, la Commission aura cinq jours pour examiner la demande. A noter que cette mesure ne s’appliquera qu’aux contrats de court terme. « Aucune clause de caducité n’a été ajoutée » précise Bruxelles, le mécanisme restera inscrit durablement dans le droit européen, même si son activation apparaît hautement improbable.
Pénalités renforcées pour éviter les contournements
Au cœur des discussions, les risques de contournement ont poussé les colégislateurs à imposer aux opérateurs une preuve d’origine beaucoup plus détaillée pour tout gaz importé ou stocké dans l’UE. Les sanctions applicables en cas d’infraction ont été nettement durcies : 2,5 millions d’euros pour les particuliers et pour les entreprises, au moins 3,5 % du chiffre d’affaires annuel, 300 % de la valeur de la transaction illégale, ou un forfait minimal de 40 millions d’euros. « L’Europe tourne enfin la page de deux décennies de dépendance énergétique fragilisante”, a-déclaré suite à cette annonce, le directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), Fatih Birol, récemment, saluant l’effort collectif des États membres. “Mettre fin au gaz russe n’est pas qu’une décision géopolitique : c’est un investissement massif dans la sécurité énergétique européenne.” Avec ce texte, l’UE espère fermer l’un des derniers chapitres de sa dépendance au gaz russe, qui représentait plus de 40 % des importations européennes d’avant-guerre en 2021. Elle ouvre aussi un cycle politique nouveau, où sécurité énergétique, transition climatique et souveraineté industrielle devront désormais avancer de concert alors que la sécurisation des approvisionnements énergétiques comme des minerais critiques sera un défi de taille dans une Europe toujours à la recherche de compétitivité.
Le texte doit encore être formellement approuvé par les États membres et par le Parlement en session plénière — une étape qui, sauf surprise, ne devrait plus rencontrer de résistance.
