Comme leurs affiches, le voile d’opacité a fini par être déchiré. Depuis le printemps, des colleurs anonymes placardent des saillies visant le député Bryan Masson, candidat Rassemblement national à la mairie de Cagnes-sur-Mer.

Sans logo, sans numéro d’impression – ce qui est illégal – leur contre-propagande brouillait les pistes… jusqu’à ce que fuitent des messages de la majorité municipale.

Sur un groupe WhatsApp consacré au collage, que Nice-Matin a pu consulter, des élus de la majorité ont organisé cette campagne fantôme entre le 27 mars, soit un an avant les élections, et le 15 septembre, soit le lendemain de la publication de l’un de nos articles s’interrogeant sur ces posters pirates.

La paternité du maire

Pour autant, ces collages ne sont pas un excès de zèle des soutiens du maire sortant LR. Louis Nègre en porte la paternité.

« J’ai donné instruction de faire commander ce genre de bandeau », lance-t-il à son équipe lors d’une réunion de travail, tel que l’atteste un enregistrement audio. Il fait ici référence à une bannière barrée d’un large « FAUX », apposée sur les posters où le parlementaire tacle « la bétonisation de la ville » ou encore le projet de mosquée à côté du lycée Renoir.

Sur la messagerie privée, un post prévient : « Nouvelles affiches concernant la grande mosquée. Il faut recouvrir [par-dessus], pour que les gens comprennent ce dont il s’agit, par le bandeau faux, même s’il déborde ».

Signé Alain Luca, directeur de cabinet. Sillonnant la ville, il signale sur le groupe les panneaux à recouvrir.

Ses consignes sont dûment appliquées par le mari de la conseillère municipale Gaëtanne Derepas.

Par message, le colleur précise : « Si vous avez l’opportunité d’apercevoir des panneaux publics avec nos affiches qui ont été recouvertes, n’hésitez pas à en faire part au groupe avec une photo ».

Aussitôt dit, aussitôt fait pour les conseillers Céline Guivarch et Raphaël Rofidal, ainsi que pour l’adjoint Richard Léman.

Le RN est-il la seule cible ? Alain Luca précise : « On ne touche pas pour l’instant aux affiches de (Pierre) Piaccentini ».

Le candidat mandaté par L’Écologie au centre, parti du Niçois Jean-Marc Governatori, serait moins menaçant aux yeux de la majorité ? Même question pour le Parti communiste français, lui aussi épargné par le contre affichage.

Naturellement, la campagne de Bruno Retailleau lors de la primaire des Républicains, n’a pas été contrariée.

Pour cause : le colleur des affiches anonymes était aussi celui qui posait celles du candidat.

Dans le même temps, le parti lepéniste est vilipendé pour ses doubles discours : « Souvenez-vous ! Marine Le Pen déclarait en 2004 : tout le monde a piqué dans la caisse sauf le Front national ».

Ou encore : « Souvenez-vous ! Marine Le Pen demandait l’inéligibilité à vie pour le détournement de fonds publics. »

Deux déclarations qui sonnent faux depuis la condamnation, en mars de la présidente du groupe Rassemblement national à l’Assemblée. En première instance, elle a écopé de quatre ans de prison dont deux ferme, ainsi que cinq ans d’inéligibilité pour détournement de fonds publics.

« Ça n’est pas bien courageux de ne pas assumer »

Alors pourquoi ne pas assumer ce rappel d’une décision de justice ? Pourquoi se cacher ? Sollicité, le maire n’a pas fait de commentaires.

Un louvoiement qui se retourne contre lui lorsque Bryan Masson riposte : « Ça n’est pas bien courageux de ne pas assumer. J’espère que Louis Nègre, le légaliste, est au courant des obligations de transparence et de traçabilité sur les financements d’une campagne », déclarait-il dans nos colonnes en septembre.

Avant de préciser avoir « mandater un huissier pour documenter ces pratiques qui sont d’un autre temps ». Aucune procédure judiciaire n’a cependant été lancée par le député-candidat.

Reste à savoir qui a financé ces posters. D’autant plus qu’une nouvelle version estampillée « Coucou le RN, on a oublié son logo ? », prolifère toujours.

Pour être légales, ces affiches doivent avoir été comptabilisées dans le compte de campagne.

En mairie, il se dit que l’édile « paye de sa poche ».

Ce qui n’a pas été confirmé, ni réfuté, par le principal intéressé, préférant inviter « Sherlock Holmes à continuer son enquête ».