Dix-huit ans. « La messe est dite. J’espère que tu t’es pas trompé. 18 ans, c’est pas rien », chuchote à l’oreille de son papounet la Señorita (1), désormais à l’abri de la folie des hommes sur son petit nuage.

« Dix-huit ans ferme, chacun. Dix-huit ans ? Merde, me dis-je. Car en vérité, ce n’était pas la cour mais moi-même qui les condamnais à cette peine. Et c’était bien la première fois que je condamnais des gens à dix-huit ans de prison », venait de penser tout haut le dit-papounet.

13 décembre 2022, le verdict

Nous sommes le 13 décembre 2022. La cour d’assises spécialement composée à Paris vient de dire le dernier mot du premier procès de l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice.

Procès qui a duré ce que durent les drames, une éternité.

Et, pendant cette éternité, Thierry Vimal, alias Papounet, a écrit. Écrit, comme on déverse sa souffrance, comme on exorcise ses démons. Il a écrit et écrit, comme on aimerait lire, écrit encore, pour laisser cette trace, indélébile.

Pour que son « Prom_14 » résonne comme l’a fait V13, le nom de code du procès des attentats de Paris du 13 novembre 2015.

Trois ans après, son journal de bord devient une pièce de théâtre en seul-en-scène : « Prom_14, chroniques de l’attentat du 14 juillet 2016 », pour qu’après les mots, les paroles frappent.

Elle sera jouée les 25 et 26 juin prochains au théâtre de la Semeuse. Vingt et un jours avant les 10 ans de l’attaque meurtrière de la promenade des Anglais.

À la mise en scène, Thierry Vimal a choisi Jonathan Gensburger, l’acteur, humoriste et réalisateur (très) engagé. Sur les planches, Julien Storini.

SOS Fantômes, Dick Rivers

Hier, c’était répétition à La Semeuse. La première, et le trio dépote déjà. En phase sur les jeux de scène, les intonations, les intentions et les silences.

Le décor ? Minimaliste, resserré. « Comme une cabine de camion, comme un box des accusés, comme une bulle, comme un studio radio », explique Jonathan Gensburger.

Sinon ? Juste plusieurs micros dont va se servir « l’homme-orchestre » Julien Storini. C’est dans ce petit espace qu’il va jouer pendant une heure et dix minutes les temps forts du procès, disséqués par la plume acerbe et folle de Thierry Vimal. De l’ouverture de l’audience au verdict.

Il est 15 heures passées, ils en sont à la scène sur les avocats. La musique – iconique – de Ghostbusters/SOS Fantômes emplit le petit théâtre.

« Juju » s’agite. On rit. Puis vient le chapitre sur les réquisitions, suivi d’un peu de Dick Rivers pour le côté vintage niço-niçois. Enfin, le verdict.

Les fameux « 18 ans de prison » pour les deux principaux accusés qui entraînent les doutes de Thierry Vimal et de sa fille défunte, alors que d’autres, dans la salle, applaudissent à l’énoncé de la sentence.

Applaudir « ça veut dire qu’on les a eus ? Qu’on les a niqués qu’on les emmerde ? Non, non, c’est bien eux qui nous ont niqués », articule Julien Storini, alias Thierry Vimal.

À ce moment-là, on ne rit plus du tout, parce que la réalité c’est que : « Pour toujours, ici-bas, nous avons perdu ».

1. La Señorita, c’est le nom que Thierry Vimal donne à sa fille, Amie 12 ans, décédée sur la Prom.