« Il fait mes journées, c’est mon rayon de soleil ! » Dans la file qui patiente sous le néon rouge du République avant l’ouverture des portes, Régine est une inconditionnelle de Willem. La Martiniquaise le suit depuis ses débuts sur les réseaux sociaux, en 2016 quand il a commencé à publier des vidéos sur YouTube. Elle est venue accompagnée d’amis et de collègues dont Guylène, originaire du Prêcheur, elle aussi présente « pour l’encourager ».

« On est venu lui donner de la force », renchérit un peu plus loin Raphaël, un Guadeloupéen de Sainte-Rose, sous son bonnet noir et derrière ses lunettes à la monture transparente. « J’aime sa nonchalance, sa manière d’amener les situations qu’on voit aux Antilles avec une extrême sincérité… Et sa chanson sur le Cochon Roussy !« , liste-t-il.

Il salue la façon dont Willem exprime sa fierté d’être Antillais, s’inscrivant dans « une génération décomplexée » qui « redonne du sens ».

« Je t’envoie un zakari, tu finis à l’hôpital ! »

Décomplexé, le spectacle l’est en effet et l’interdiction d’y assister aux moins de 14 ans n’est pas inutile à certains moments. L’artiste de 29 ans, commence par de l’improvisation en taquinant le public : « Y’a beaucoup de Noirs, note-t-il en circulant entre les sièges. Et vous êtes à l’heure ?! » Il remarque que la majorité des 200 spectateurs vient du 91, 92, 93 et 94 : « J’ai un public de racailles… De jumpy ! (dérivé de junky, NDLR) »

Hilare, l’auditoire n’hésite pas à réagir du tac au tac à Willem qui réprime un fou rire et reconnaît que le spectacle n’a jamais mis « autant de temps à démarrer » avec cette « classe dissipée ».

Le Martiniquais commence enfin à raconter sa propre histoire, celle de son enfance à aujourd’hui, en passant par son départ de Martinique pour faire ses études dans l’Hexagone et le Covid. Il en profite pour s’amuser de l’éducation antillaise VS Montessori, de l’Église catholique, des fêtes de famille ou encore des pâtisseries et viennoiseries antillaises. Pour expliquer ce qu’est un zakari à une spectatrice, il lui lance : « Je t’envoie un zakari, tu finis à l’hôpital ! »

S’il y a des références de son île et des « touches de créole », Willem assure qu’il n’a pas adapté son spectacle au public de l’Hexagone : « Depuis deux-trois ans, j’ai vu que mon public est de plus en plus éclectique, et c’était important pour moi que le spectacle puisse parler à tout le monde. »

« La personne dont je me moque le plus, c’est moi-même »

Willem entrecoupe son récit en jouant quelques-uns des personnages qui l’ont fait connaître sur les réseaux sociaux. Face à la critique qui revient parfois selon laquelle ses sketches sont trop caricaturaux, il répond la même chose : « Les personnages qui existent dans mes vidéos, je les rencontre dans la vraie vie. »

Et d’ajouter : « Mon but, ce n’est pas de heurter des communautés ou des catégories de personnes. Je pense qu’on peut se moquer des gens quand c’est fait avec bienveillance et pertinence. Et d’ailleurs, dans ce spectacle, la personne dont je me moque le plus, c’est moi-même. »

Willem n’y va en effet pas de main morte quand il raconte « sa première fois » qui ne se passe pas exactement comme prévu. Mais il dévoile aussi les angoisses qu’il a tentées d’enfouir. Une anxiété née du sentiment d’être différent des autres.

« Je savais qu’en écrivant le spectacle, je n’allais pas l’écrire comme je peux écrire des sketches vidéo, assume-t-il. Cela fait presque dix ans qu’on se connaît [avec ma communauté, NDLR], qu’on se parle à travers des écrans, mais on ne s’est pas rencontrés en vrai. J’avais envie que cette première rencontre soit quelque chose de plus profond. »

Dans cette petite salle « cosy » et « feutré », Willem aime se prêter à ce « dialogue très intimiste » avec son public, après un lancement au Grand Carbet en Martinique face à « 800 personnes en ébullition ». Il a visé juste puisque les 200 spectateurs lui ont fait une ovation à la fin du spectacle.

« On est passé du rire à l’émotion »

« Cela nous a rapprochés de lui, on a appris à le connaître, il était super généreux, on a vraiment adoré, s’enthousiasment deux Martiniquais, Nicolas et Yohann. « C’était très beau, on est passé du rire à l’émotion, il est allé dans son intimité », résument Carole, Fanny et Marie-France, trois collègues originaires de Guadeloupe et Martinique. « Surprenant, émouvant, drôle… On s’est reconnus dans le fait de se sentir bizarres, exclus, soufflent Karine d’origine antillaise et Josuel de Martinique. Quand il a parlé de quitter les Antilles, plein de souvenirs sont revenus. »

Habillés avec des touches de vert selon le dresscode du spectacle – dresscode dont Willem dévoile les raisons à la fin du show -, ils ont acheté les dernières places de cette soirée. Les billets parisiens sont partis à toute vitesse dès que l’artiste a annoncé sur ses réseaux les dates de ce premier spectacle autoproduit. « Comme on n’avait jamais rien produit de cette envergure, on s’est dit qu’on allait commencer petit pour ne pas se brûler les ailes et on a réservé deux soirées au République qui se sont remplies des mois à l’avance, confirme l’humoriste. Donc le République nous a contactés pour nous dire de rajouter des dates. On a rajouté deux de plus qui se sont remplies à leur tour puis une cinquième, puis une sixième… »

Toutes affichent déjà complet. Après Paris où il joue jusqu’au 21 décembre, il a désormais de nouvelles dates dans l’Hexagone à Toulouse, Montpellier et Bordeaux en mars et avril 2026, en plus des séances en Guadeloupe et Martinique en janvier-février. Il a même révélé avoir réservé en région parisienne « une résidence dans une salle un petit peu plus grande pour l’année prochaine ». Comme le pressentent ses fans Nicolas et Yohann, « le meilleur est à venir ».