Pour suivre Jessica Buczek sur les chemins de la réserve de Białowieża, il faut être bien chaussé, et ne pas craindre la pluie ou la neige. La jeune femme de 32 ans, originaire de la Loire, qui a débuté la photographie à 14 ans dans le Parc régional du Pilat, a découvert les lieux pour la première fois en 2019. Elle venait alors tout juste de remporter une bourse, la bourse Iris-Terre Sauvage, qui lui avait permis de réaliser une première série de photos sur place. Et depuis, celle qui est devenue maman entre temps n’avait qu’une envie : celle d’y retourner.
Vingt-six espèces d’arbres
« Ça a été un coup de foudre, explique Jessica Buczek. Il est rarissime de pouvoir contempler une forêt dans laquelle on trouve 26 espèces d’arbres. On a toujours eu l’impression d’être tout petit quand on est face à ces colosses. » La photographe aime se promener au hasard, à la recherche d’arbres remarquables, parfois plusieurs fois centenaires. Érables, chênes, tilleuls, épicéas, bouleaux, trembles : ce sanctuaire, où la nature a été préservée depuis la fin de l’ère glaciaire, il y a près de 12 000 ans, s’étend sur 150 000 hectares, des deux côtés de la frontière entre la Pologne et la Biélorussie.
La photographe s’arrête devant un charme. « C’est un des arbres, explique-t-elle, qu’on observe le plus facilement ici. Vous pouvez constater que l’intérieur de l’arbre est complètement évidé, il est creux. On peut même passer la main d’un côté et ressortir de l’autre. C’est compliqué à mettre en image, mais oui, j’ai quelques images en tête à réaliser, où on voit l’arbre complètement creux et la lumière du jour qui passe à travers le tronc, alors que l’arbre est toujours bien vivant. »
Jessica Buczek photographie des arbres plusieurs fois centenaires. © Radio France – Virginie Pironon Une nuit entière à observer les bisons
Jessica Buczek est également passionnée par les mammifères : cerfs, chevreuils, renards, loups, et bien sûr, les bisons, rois de la forêt de Białowieża. Un soir, alors que plusieurs femelles et un petit lui barraient le chemin du retour, la photographe a passé une nuit entière, sur place, sans être préparée, avec l’espoir de les photographier au petit matin. Une expérience que la jeune femme n’est pas prête d’oublier. « Au lever du jour, j’ai regardé dans le viseur de l’appareil photo une première fois. Je n’ai rien vu. Une deuxième fois. Je n’ai rien vu. A la troisième fois, j’ai eu la certitude qu’il n’y avait plus rien. Et donc les huit bisons, plus le veau, avaient disparu, en pleine nuit, sans faire de bruit ! »
Un mur érigé à la frontière…
Les bisons sont 1 500 environ des deux côtés de la frontière. Comme les autres mammifères, ils souffrent des tensions géopolitiques qui traversent le territoire. Un mur de 5,5 mètres de haut a été érigé par les autorités polonaises en 2022 pour lutter contre l’arrivée massive de migrants, instrumentalisés par le président biélorusse Alexandre Loukachenko. Et cette barrière est en ce moment renforcée, en raison de la guerre en Ukraine. « On voit passer de très nombreux camions qui se dirigent manifestement sur un chantier de construction d’une route à la frontière. Ces allers et venues ont un impact à la fois sur la forêt et sur toute la vie qu’elle abrite. On note des changements de comportement de certains animaux qui ont tendance à déplacer leur activité sur une activité nocturne. »
… Alors que les migrants continuent à affluer
Une militarisation de la frontière à laquelle il faut ajouter l’arrivée de migrants, qui se poursuit. ** »**Quand on marche en forêt régulièrement, on tombe sur des bottes, sur des manteaux, sur des pantalons, sur des sacs à dos, sur des emballages de gâteaux, sur des bouteilles en plastique, sur des cartes de téléphone. Moi, cette forêt, je l’ai découverte avec un regard complètement émerveillé. Pour moi, c’était un rêve de venir ici. Et aujourd’hui, je pense à tous ces gens qui ont fait cette traversée de la forêt avec des perspectives complètement différentes… ce qui compte, c’est un apaisement des tensions. Que la situation ici s’arrange. »
En attendant, Jessica Buczek poursuit inlassablement son travail, avec peut-être, dans quelques mois, un livre à la clé.
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