La Commission européenne a annoncé début décembre son intention de renforcer les sanctions contre la Biélorussie, accusée d’avoir organisé des opérations de contrebande de cigarettes vers la Lituanie en utilisant des ballons pénétrant l’espace aérien européen. Ces incursions, qualifiées d’« attaques hybrides » par Vilnius, ont perturbé le trafic aérien, entraîné la fermeture temporaire d’aéroports et révélé une instrumentalisation du commerce illicite du tabac à des fins de déstabilisation. L’UE entend désormais répondre de manière coordonnée pour protéger l’intégrité de ses frontières, soutenir la Lituanie et limiter l’expansion du marché noir du tabac[1][2].

Une amplification des tensions à la frontière lituano-biélorusse

Depuis plusieurs semaines, les autorités lituaniennes signalent l’arrivée de ballons en provenance du territoire biélorusse transportant d’importantes quantités de cigarettes de contrebande. Ces incursions dans l’espace aérien lituanien ont nécessité des interventions répétées des services aéronautiques et conduit, à plusieurs reprises, à la suspension temporaire des activités de l’aéroport de Vilnius.

Considérant la multiplication de ces incidents, la Lituanie a décidé de fermer plusieurs points de passage terrestres avec la Biélorussie. Vilnius estime que ces opérations relèvent d’une stratégie « d’attaque hybride », dans laquelle la contrebande de tabac est utilisée comme moyen de pression et de déstabilisation. Si Minsk réfute ces accusations, les autorités lituaniennes affirment disposer d’éléments indiquant un caractère coordonné de ces envois, dépassant largement les dynamiques habituelles du marché noir.

La réaction européenne : préparer une réponse concertée

La Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a exprimé son plein soutien aux autorités lituaniennes et alerté sur une situation « qui continue de se détériorer », en raison notamment de l’intensification des intrusions aériennes. À l’issue d’un échange avec le Président Gitanas Nausėda, elle a annoncé que la Commission préparait de nouvelles mesures dans le cadre du régime de sanctions visant la Biélorussie.

Ces actions s’inscriraient dans la continuité des mesures adoptées depuis 2020 à l’encontre du régime biélorusse, liées aux violations des droits humains, à la répression intérieure et au soutien apporté à l’agression russe contre l’Ukraine. L’UE entend désormais intégrer explicitement la dimension sécuritaire associée à la contrebande de tabac dans son approche diplomatique. Pour les institutions européennes comme pour les États membres, la situation constitue un test de la capacité de l’Union à répondre collectivement à des formes d’ingérence exploitant des vulnérabilités réglementaires, y compris dans des secteurs sensibles tels que les produits du tabac.

Pour les autorités européennes, ces pratiques témoignent d’une évolution préoccupante des modes d’ingérence. La circulation de cigarettes illicites représente déjà un enjeu majeur pour la santé publique, pour les finances publiques et pour la sécurité des pays. Dans le cas lituanien, elle s’ajoute désormais à des préoccupations de souveraineté et à la gestion de risques hybrides susceptibles de fragiliser un État membre.

Ces incidents rappellent également que plusieurs frontières extérieures de l’Union demeurent vulnérables à des tentatives d’exploitation des faiblesses des dispositifs actuels de contrôle du tabac. Cette situation est d’autant plus préoccupante que de nombreuses analyses indépendantes ont montré que le commerce illicite de cigarettes n’est pas uniquement le fait de réseaux criminels isolés, mais reste en grande partie alimenté par les fabricants de tabac eux-mêmes, à travers des excédents de production, des exportations vers des marchés peu régulés ou des circuits pouvant alimenter le commerce illicite

La contrebande de tabac, un outil de déstabilisation qui souligne l’urgence d’un contrôle européen renforcé

La Biélorussie est identifiée depuis plusieurs années comme l’un des principaux points d’origine des cigarettes destinées au marché illicite européen. Ces flux entraînent des conséquences directes sur les recettes fiscales, sur la prévalence tabagique et désormais sur la sécurité de certains États membres.

Dans ce contexte, la nécessité de renforcer les mécanismes européens de contrôle s’impose avec une acuité particulière. Les États membres soulignent l’importance de disposer d’un système de suivi et de traçabilité harmonisé, pleinement indépendant de l’industrie du tabac, conformément aux exigences de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac et du Protocole de lutte contre le commerce illicite du tabac. Un dispositif unifié permettrait d’assurer une surveillance cohérente des flux de produits, de limiter les possibilités de contournement et de réduire l’influence que certains acteurs privés peuvent encore exercer sur les systèmes de contrôle.

Les événements récents montrent qu’une approche fragmentée expose l’Union à des vulnérabilités persistantes. À l’inverse, un renforcement du contrôle aux frontières, une traçabilité uniformisée et une gouvernance indépendante constituent des conditions essentielles pour réduire l’ampleur du commerce illicite, protéger les États membres et consolider l’efficacité des politiques européennes de santé publique. La situation lituanienne illustre ainsi que la lutte contre la contrebande de tabac ne relève plus seulement des enjeux sanitaires ou fiscaux : elle devient également un impératif stratégique pour la stabilité et la sécurité de l’Union.

©Génération Sans Tabac

AE

[1] EU eyes sanctions over Belarus ‘hybrid attack’ on Lithuania, Euractiv, publié le 1er décembre 2025, consulté le jour-même

[2] Von der Leyen évoque de nouvelles sanctions envers le Bélarus, accusé de faire passer des cigarettes de contrebande, 7 sur 7, publié le 1er décembre 2025, consulté le jour-même

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