Après avoir modifié les recommandations vaccinales sur la COVID-19 et la rougeole, le comité d’experts nommés par le secrétaire américain à la Santé, Robert F. Kennedy Jr., s’attaque au vaccin contre l’hépatite B, amplifiant ainsi le discours vaccinosceptique venant des États-Unis.

« Je suis très préoccupé [par] le message envoyé », a affirmé le Dr Nicholas Brousseau, spécialiste en médecine préventive à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et expert dans la vaccination, notamment celle de l’hépatite B, en entrevue au Devoir.

« Il faut vraiment regarder de manière critique ce qui sort de ce comité, parce qu’il transmet des messages qui peuvent être faux, ou des éléments erronés », a-t-il avancé. « La crainte est que la confiance s’érode et qu’une plus petite portion d’enfants se fassent vacciner. »

Pour Jesse Papenburg, pédiatre, infectiologue et microbiologiste au Centre universitaire de santé McGill, ce discours « va augmenter l’hésitation vaccinale aux États-Unis ». « On a maintenant des personnes en position d’autorité qui vendent des faussetés, des mésinformations », a-t-il déploré, allant même jusqu’à parler de « tragédie scientifique ».

La plupart des membres de ce comité sont critiqués pour leur manque d’expertise ou pour avoir relayé de fausses informations sur les vaccins.

« Un retour en arrière »

Vendredi, ce comité a annoncé avoir décidé de cesser de recommander le vaccin contre l’hépatite B à l’ensemble des nouveau-nés, contre l’avis de nombreux soignants. Cette décision devrait être suivie par les autorités fédérales américaines et conduire à la fin de l’actuelle politique de prévention du pays, en vigueur depuis plus de 30 ans.

Ce programme, mis en place en 1991, a contribué à une « chute considérable de cas d’hépatite B aux États-Unis », a affirmé le Dr Papenburg, qui est également le président du Comité sur l’immunisation du Québec. « Il n’y avait aucune raison fondée » pour remettre en question cette politique, a-t-il souligné. Pour lui, il n’y a pas de doute : « c’est clair que ça va diminuer la couverture vaccinale aux États-Unis ».

Selon la nouvelle recommandation, l’administration d’une première dose de vaccin contre l’hépatite B — sur trois — dans les premières heures de la vie d’un enfant ne serait plus systématiquement recommandée aux bébés dont la mère a obtenu un dépistage négatif.

L’hépatite B est une maladie virale du foie qui peut notamment être transmise par la mère lors de l’accouchement et qui expose les personnes touchées à un risque élevé de décès par cirrhose ou cancer du foie.

Le risque d’évolution de son stade aigu vers une infection chronique est estimé « à plus de 90 % chez les nouveau-nés et les nourrissons, à 25 %-50 % chez les enfants de 1 à 5 ans et à moins de 5 % chez les personnes de 5 ans et plus », selon l’INSPQ.

Et au Québec ?

Au Québec, le Programme québécois d’immunisation (PQI) prévoit trois doses de vaccins contre l’hépatite B, à 2, 4 et 18 mois après la naissance. Selon le Dr Papenburg, cette différence avec les États-Unis s’explique par le fait que « notre système de santé est différent ». Le système américain est « fragmenté » et marqué par « des problèmes d’accessibilité », qui engendre un risque plus grand de transmission des maladies infectieuses.

La vaccination n’est pas obligatoire au Québec, mais fortement recommandée. « On mise vraiment sur le fait de bien informer les parents pour qu’ils prennent la meilleure décision pour leurs enfants », a expliqué le Dr Brousseau. Selon lui, environ 9 enfants sur 10 sont vaccinés contre l’hépatite B dans la province.

Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, en 2021-2022, 88 % des enfants d’un an avaient reçu toutes les doses des vaccins offerts par le PQI, y compris celui de l’hépatite B.

« C’est un vaccin très important », a souligné le spécialiste. « Il y a de la flexibilité sur le moment exact où il peut être donné, […] l’important c’est que tous les enfants soient vaccinés contre l’hépatite B. »

Pour lui, « la stratégie [du Québec] est intéressante », puisque le vaccin contre l’hépatite B est administré en même temps que d’autres, dans une dose combinée, notamment contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche. « Ça permet de protéger les enfants contre l’hépatite B sans faire d’injection supplémentaire. »