Le Tunnel Prado-Carénage (TPC) accompagne Marseille depuis plus de trente ans. Sa concession, attribuée en 1990 à la SMTPC, s’achève le 18 janvier 2033. À cette date, un choix déterminant s’offre à nous : répéter le passé ou bâtir l’avenir de nos mobilités. Nous pouvons faire du Tunnel Prado-Carénage un levier de transition ou un symbole du « tout routier ». Notre choix : faire du TPC le moteur financier d’un investissement massif dans les transports collectifs.

Ni prolongement de la concession, ni gratuité : deux impasses. Prolonger le contrat actuel serait une erreur : c’est se limiter aux investissements routiers, et maintenir un péage pour des actionnaires privés plutôt que des transports publics, au moment même où la collectivité devrait en récolter les bénéfices. Supprimer le péage serait tout aussi grave. Cela reviendrait à demander à tous les contribuables de financer l’usage d’une infrastructure que seule une minorité emprunte. C’est un cadeau qui coûte cher : plus de 10 millions d’euros par an uniquement pour financer maintenance et exploitation, sans parler des rénovations futures. C’est enfin ouvrir les vannes aux voitures au cœur de Marseille, en rendant l’accès plus attractif que la L2. Cela signifie embouteillages massifs, bruit et pollution accrus.

Baisser ou supprimer le péage, ce serait nuire à l’intérêt général. Les exemples étrangers témoignent : en Espagne, la gratuité post-concession en 2018 a entraîné explosion du trafic, routes dégradées, CO2 en hausse, budgets publics saturés, moins d’alternatives financées. Un modèle perdant. Marseille ne peut pas s’offrir ce scénario. Notre choix est clair : conserver le péage, mais le rendre public. À l’échéance 2033, la dette du Tunnel Prado-Carénage sera amortie. Ce contexte crée un espace inédit : libérer une ressource financière pérenne au bénéfice des mobilités et de la transformation écologique. Notre proposition est simple et transparente : métropoliser le péage pour dégager 30 à 35 millions d’euros par an et en faire un levier d’investissement massif dans un plan métropolitain de transports collectifs. De l’ordre de 30 millions par an, ce n’est pas un détail budgétaire. C’est la colonne vertébrale d’un financement structurant qui, avec l’effet de levier de la dette peut représenter 1 à 2 milliards d’euros d’investissements sur vingt ans. C’est 2 à 4 fois plus que les 500 millions d’euros de subventions apportées par l’État dans Marseille en Grand.

Une dynamique nationale nous y encourage. Les débats nationaux vont dans ce sens : d’ici 2036, 7 concessions autoroutières arrivent à échéance. Lors de la conférence « Ambition France Transport » (2025), experts et élus ont convergé : conserver les péages est indispensable pour éviter hausse des impôts et explosion du trafic. Le potentiel redéployable vers la transition écologique est estimé à 11 milliards d’euros par an dès 2037. D’autres l’ont déjà fait : le pont de l’Île de Ré ou le contournement nord de Lyon ont vu leur péage devenir public, tout en maintenant une exploitation technique privée. Pourquoi pas ici et maintenant ?

Mars prochain : un mandat décisif pour notre destin métropolitain. L’élection qui arrive conditionnera la capacité de la Métropole à agir sur les mobilités, sur les inégalités territoriales, sur la qualité de vie, sur notre avenir écologique. Il ne s’agit plus de gérer, mais de changer d’échelle, pour que chacun -jeune, actif, retraité, personne en situation de handicap- puisse se déplacer librement et respirer dans la métropole. Il nous faut un cap, du courage, des financements pérennes et sanctuarisés. Le TPC peut être une clé de cette bascule, de ce futur respirable, connecté, accessible. 2033 n’est pas une échéance technique : c’est une opportunité historique. Saisissons-la.

Par Pascaline Lécorché et Thierry Dallard*

* Pascaline Lécorché est déléguée nationale Place publique et Thierry Dallard, président de la Société
de la Rocade L2, ancien président du directoire de la Société du Grand Paris