Velours caramel, verre fumé, teintes olive et orange brûlé
s »invitent partout : dans les vitrines déco, sur Instagram, jusque
dans les catalogues de grandes enseignes. Ce que l’on associait aux
salons des années 1970 revient sur le devant de la scène, mais dans
une version assumée et chic. Derrière ces canapés bas, ces tapis à
poils longs et ces lampes sculpturales se cache un courant précis :
le design rétro, devenu l’une des grandes
tendances déco du moment.
Pourtant, ce style ne se réduit ni au vintage en vrac ni à une
reconstitution de décor de film. Beaucoup de Français qui retapent
une maison ou veulent réchauffer un salon se demandent ce qui se
cache exactement derrière cette étiquette, et pourquoi elle fait
autant parler en 2025. Les designers qui travaillent ce style
depuis des années décrivent un état d’esprit très particulier, loin
de la simple nostalgie. Et leurs confidences éclairent d’un jour
nouveau nos envies de couleurs et de souvenirs.
Design rétro : une ambiance, pas un déguisement
Les décorateurs situent généralement le style
rétro entre les années 1960 et le début des années 1980,
mais ils insistent sur le fait qu’il ne s’agit pas de copier un
décor d’époque à la lettre. « Ce n’est pas une copie d’une décennie,
c’est la capture d’une ambiance. C’est confiant, coloré et un peu
sauvage. Il y a aussi de la chaleur. On ressent quelque chose quand
on entre dans la pièce », décrit Kasandra Rafter, de Canyon Creative
Studio. Elle met aussi en garde : « Quand le rétro paraît forcé, il
perd son âme. Il cesse d’être une question de créativité et
commence à ressembler à un costume. Le vrai rétro doit sembler
personnel, comme trouvé », explique Kasandra Rafter, citée par House
Beautiful.
Par rapport au très codifié mid‑century modern, né dans
l’après‑guerre, l’esthétique rétro apparaît plus libre et détendue.
« Le design moderniste du milieu du siècle se prenait plus au
sérieux que le design rétro », observe Sarah Randolph, de Randolph
Interior Design. « On peut voir le rétro comme la sœur plus glamour
et plus bohème du style mid‑century », ajoute Kati Curtis. Dans les
intérieurs qu’elle signe, la décoratrice décrit « des pièces
saturées de couleur, un mobilier sculptural, des motifs ludiques et
un goût pour le fait main » et résume : « Le rétro est audacieux et
n’a pas peur de mélanger influences, styles et périodes ».
Les codes du design rétro qui reviennent en force
Dans la déco rétro, la couleur ne se chuchote
pas. Les palettes typiques empilent rouges profonds, rouille, verts
olive et avocat, avec beaucoup de bois teinté, tons ambre et
caramel. L’éclairage y joue un rôle majeur : formes exagérées,
globes en verre fumé, abat‑jour plissés, lampes en céramique. « Les
luminaires et les meubles sont devenus des pièces manifeste dans
les maisons », rappelle Katalin Farnady, de Farnady Interiors. Pour
réchauffer un intérieur trop sage, Kati Curtis conseille aussi « des
coussins en velours, des rideaux à motifs ou un tapis vintage Tulu
pour sublimer une pièce autrement terne ou minimaliste », précise
Kati Curtis.
Côté motifs, les intérieurs rétro assument les papiers peints
géométriques très graphiques, les fleurs stylisées et les tapis
shaggy qui donnent du mouvement. Le célèbre « conversation pit », ce
salon en contrebas où l’on s’affale tous ensemble, illustre bien
cet esprit convivial. « Les meubles n’étaient pas sur‑rembourrés et
gardaient encore certains éléments de design de l’ère mid‑century
précédente », raconte Sarah Randolph à propos de ces années. Sur un
projet très seventies, elle se souvient : « Nous avons misé sur des
couleurs vives, des boiseries teintées, de la moquette shag, un
éclairage ludique et un immense canapé en fosse de conversation
dans le salon », explique Sarah Randolph.
- Palettes de couleurs saturées et terreuses (moutarde, rouille,
vert avocat). - Bois foncé ou teinté et matériaux rétro comme le verre fumé, le
laiton ou la lucite. - Formes courbes, canapés bas et tables en plexiglas ou en
résine. - Textiles généreux (velours, bouclé, tapis à poils longs) dans
chaue pièce.
Pourquoi le design rétro cartonne et
comment l’adopter chez soi
La force du design rétro aujourd’hui tient à ce
qu’il touche quelque chose de très intime. « Il y a là quelque chose
d’émotionnel », confie Kasandra Rafter. « Cela rappelle aux gens leur
enfance ou la maison de leurs parents ou de leurs grands‑parents,
mais en version cool ». Dans un marché saturé de salons gris et
minimalistes, Kati Curtis voit dans ce retour une respiration
bienvenue : « Le design rétro nous donne la permission de mélanger
les motifs, d’honorer l’artisanat et d’intégrer des pièces vintage
porteuses de sens qui racontent une histoire », explique la
designer, pour qui ce style constitue aussi « un contrepoids au
minimalisme gris que nous avons vu pendant bien trop d’années
maintenant ». Une dynamique que l’on retrouve aussi dans les
repérages de Maison et Travaux pour les collections déco 2025.
Pour l’introduire à la maison, mieux vaut y aller par touches
plutôt que de tout refaire. Coussins très colorés, tableaux
vibrants, miroir ou cadre photo chinés, lampe en verre fumé posée
sur un buffet suffisent déjà à installer le ton. Beaucoup de
décorateurs recommandent ensuite d’ajouter du bois chaud et teinté
sur une paroi ou à travers un meuble simple, puis de travailler
l’éclairage sculptural avant de s’attaquer aux gros travaux. Une
fois cette base posée, quelques pièces plus spectaculaires, comme
un fauteuil vintage en bois brésilien, une chaise en résine signée
ou une petite table basse en laiton, peuvent devenir le point focal
d’une pièce et donner à l’ensemble ce twist rétro ultra actuel.