Le hasard fait bien les choses. D’un club de théâtre de village où elle est inscrite «par hasard» par sa mère car aucune autre activité extrascolaire ne la captive, aux ateliers couture de Disneyland Paris à un poste archi spécialisé où elle s’épanouit depuis trois ans, qui l’eut cru ? Elle. Nadège Monett. Elle n’a jamais rien lâché. Pas même lorsque ses professeurs en classe de quatrième la dissuadent de s’inscrire en Bac pro. Pas même lorsque le Covid, en 2020, l’éloigne de sa passion pendant un an et demi.
De fil en aiguille
C’est donc sur les planches des petits théâtres de campagne, en Moselle, que de fil en aiguille naît la vocation de Nadège Monett : devenir costumière de spectacle. «Je n’avais pas conscience à l’âge de 7 ans, quand j’ai commencé le théâtre en loisirs, de ces métiers», confie la jeune femme originaire de Thionville. C’est un peu plus tard qu’elle les découvre. Elle est sûre. Elle en fera son métier.
Son bureau aujourd’hui ? Les manèges de Disneyland Paris et les ateliers couture du parc d’attractions. « Il y a pire comme environnement de travail !», témoigne-t-elle, amusée. Chaque matin, après la maintenance de nuit et avant l’ouverture au public, la Mosellane de 29 ans passe en revue les plus de 300 chapeaux portés par les robots des animatronics des attractions : les voiles des mariées dans « Phantom manor » (manoir hanté), les coiffes des poupées dans « It’s a Small World », les couvre-chefs des pirates dans « Pirates des Caraïbes » …
Je ne peux pas imaginer faire autre chose. C’est une passion
Nadège Monett
« C’est atypique», reconnaît-elle. Et hyper spécifique ! Sa mission : les réaliser, les entretenir, les réparer, les remplacer quand l’état l’exige. « J’ai une chance inouïe de pouvoir les inspecter en situation », souligne-t-elle. C’est aussi un vrai défi technique avec des contraintes « étonnantes » comme, par exemple, les chapeaux au contact de l’eau dans les manèges. « C’est quelque chose que je ne retrouverais jamais ailleurs », glisse Nadège Monett. Aujourd’hui, et après quelques années difficiles, elle confie : « Je ne peux pas imaginer faire autre chose. C’est une passion. »
« Une silhouette entière et réfléchie »
La Mosellane s’en est donné les moyens. Sa maman, professeur des écoles et son papa webmaster-programmateur l’ont aussi beaucoup soutenue et n’ont pas cédé aux chants des sirènes des professeurs qui la voyaient à tout prix en filière générale. Pour la collégienne Nadège Monett, ça sera le Bac pro «vêtement et mode» à Forbach alors qu’elle n’avait jamais touché une machine à coudre. Bac en poche, elle se perfectionne à Lunéville en broderie perlée. Elle décroche alors un stage chez Montex, une maison réputée qui travaille pour Chanel et Givenchy entre autres. Elle y acquiert un savoir-faire unique. Ensuite, direction Dole, dans le Jura, où elle décroche son diplôme des métiers d’art « costumier-réalisateur ». Elle apprend aussi la technique du corset chez François Tamarin, Meilleur ouvrier de France, à Paris.
La jeune costumière, qui préfère les spécialisations métiers à la théorie, balaie l’idée de suivre une licence (bac +3). Elle achève sa formation en passant un CAP chapellerie, à Paris. Puis, en suivant pendant un an, des cours avec une spécialiste italienne des masques de théâtre et en se formant auprès de Michel Heurtault maître d’art parasolier (parapluie et ombrelles). Forte de toutes ces compétences, Nadège Monett peut proposer « des pieds à la tête une silhouette entière et réfléchie ».
« J’arrivais sur le développement de la prochaine parade de Noël »
Grâce au coup de pouce de son ancien professeur de théâtre, elle obtient ses premiers contrats de création : il la met en relation avec la troupe du théâtre de Nihilo Nihil, en Moselle, qui lui passe alors commande quatre années de suite pour des costumes de scène. Elle crée son entreprise : « Aux Beaux Atours ». Bien sûr, pour vivre de sa passion, il lui faut trouver d’autres contrats. La costumière, alors installée à Paris, occupe le poste de cheffe habilleuse au cabaret « Manko » situé avenue Montaigne. Et accepte des missions pour des spectacles et cabarets ici et là.
« Début janvier 2020, un ancien camarade de classe du CAP chapellerie, qui travaille à Disney, me contacte car l’entreprise cherche en urgence une costumière pour trois semaines. » Nadège Monett saisit l’opportunité. Disney va l’employer pour son « vrai » savoir-faire : les chapeaux. « J’arrivais sur le développement de la prochaine parade de Noël », explique-t-elle. Sa mission se prolonge. A son plus grand bonheur. Mais le conte de fées est de courte durée. Le Covid s’invite dans les perspectives d’emploi de la costumière. Et là, « c’est le drame ». « C’était un crève-cœur d’arrêter le travail. J’ai dû retourner chez mes parents en Moselle », indique la jeune femme. Son statut d’intermittente du spectacle, et des mesures qui en découlent pendant cette période Covid, lui permettent de garder la tête hors de l’eau. Mais elle sait qu’au 1er janvier 2022 elle n’aura plus d’aides.
Pari risqué mais gagnant
Le milieu du spectacle, durement touché, n’embauche plus. Qu’à cela ne tienne. Nadège Monett, qui souhaite regagner Paris car, malgré tout, les opportunités y sont plus nombreuses, enfile un autre costume : elle devient croupière pour le casino-club Pierre Charron sur les Champs-Elysées après une offre diffusée par Pole Emploi. Le milieu lui est parfaitement inconnu. Mais elle apprend vite. Sa dextérité et sa concentration font la différence. Elle signe un CDI.
Alors que les entreprises reprennent des couleurs, Disneyland Paris rappelle la jeune Mosellane pour un contrat de deux mois au poste « chapeau ». Elle accepte. Démissionne du casino. Elle se dit : « J’ai fait 8 ans d’études c’est pour pouvoir faire mon métier. » Le pari est risqué mais il est gagnant. Disney l’engage en CDI fin septembre 2022 au poste de chapelière-modiste. « Je suis fière et c’est un honneur pour moi, aujourd’hui, de pouvoir contribuer à la magie du parc », conclut-elle.