« M. Sarkozy, j’ai l’honneur de vous rencontrer pour la première fois, s’émeut Alain, 72 ans. Vous êtes le plus grand président de la Ve République, vous êtes un grand homme. Je peux prendre un selfie ? « . Le visage émacié, les traits tirés, Nicolas Sarkozy esquisse un sourire et un « merci ». Jeudi après-midi, l’ancien président de la République a entamé sa tournée de dédicaces en province — il était la veille dans une librairie du 16e arrondissement parisien — à Marseille, à la librairie Arcadia, au cœur de Saint-Barnabé et du 12e arrondissement, un des fiefs de la droite marseillaise.

Alors qu’il signe ses premières dédicaces, à l’extérieur, la foule se presse dans la galerie marchande, le « Journal d’un prisonnier » à la main – les 800 exemplaires commandés ont été vendus en quelques heures. « J’ai 48 ans, j’ai fait tous ses meetings, c’est un homme d’une rare intelligence, avec une vision du monde », loue Alexandra, une aide-soignante venue expressément d’Allauch « pour lui dire (son) soutien inconditionnel ». Condamné à 5 ans de prison en septembre dans l’affaire du financement libyen de sa campagne électorale de 2007, Nicolas Sarkozy a été remis en liberté sous contrôle judiciaire le 10 novembre après 20 jours de détention à la prison de la Santé à Paris. « De l’acharnement des politiques et de la justice qui est à gauche », pour cette militante. « Une honte absolue pour la France, accuse Fabienne, 50 ans. Aucun ancien chef d’État ne devrait aller en prison. On est la risée du monde ».

Nicolas Sarkozy en dédicace librairie Arcadia à St Barnabé.Nicolas Sarkozy en dédicace librairie Arcadia à St Barnabé. / PHOTO David ROSSI

Alors, quand Nicolas Sarkozy sort quelques instants de la librairie pour saluer la foule, des cris s’élèvent – « Nicolas, Nicolas, Nicolas ! » – à peine perturbés par les « ouh » de quelques détracteurs. « Il y a une vraie ferveur, se réjouit Catherine Pila, présidente du groupe d’opposition municipal et vice-présidente nationale des LR. Il a été un grand président et je voulais lui exprimer ma solidarité dans ces moments difficiles ». À l’initiative de la manifestation, Sylvain Souvestre, le maire (LR) des 11e et 12e arrondissements savoure : « C’est incroyable. Il y a quatre ou cinq fois plus de personnes que l’an dernier pour la dédicace de son premier livre (Le Temps des combats, Ndlr) : des personnes âgées mais aussi des jeunes ». Quelques heures plus tôt, l’élu a eu le « privilège » de déjeuner avec Nicolas Sarkozy, le président (Renaissance) de la Région Renaud Muselier et la candidate de la droite et du centre aux municipales Martine Vassal. Au menu des discussions ? La prison, la dédicace parisienne mais aussi la promesse de Nicolas Sarkozy de ne plus soutenir un « quelconque front républicain ».

Nicolas Sarkozy en dédicace librairie Arcadia à Saint-Barnabé.Nicolas Sarkozy en dédicace librairie Arcadia à Saint-Barnabé. / PHOTO David ROSSI

Dans son ouvrage, Nicolas Sarkozy juge en effet que son ancienne formation, Les Républicains, « n’est pas aujourd’hui en position de force » et plaide pour un « rassemblement le plus large possible, sans anathème et sans exclusive ». De quoi susciter la polémique à 3 mois des municipales et un peu plus d’un an de la présidentielle. « Il ne dit pas être ou ne pas être avec le RN, il dit qu’il faut parler à tout le monde », tente de déminer Sylvain Souvestre alors que Martine Vassal et son entourage se sont ces derniers jours évertués à convaincre qu’il n’y aura pas « d’accord programmatique, d’accord d’appareil » au second tour des municipales à Marseille – contrairement à ce qu’avait pu laisser entendre sa petite phrase sur Sud Radio « On verra à ce moment-là« .

Nicolas Sarkozy en dédicace librairie Arcadia à Saint Barnabé.Nicolas Sarkozy en dédicace librairie Arcadia à Saint Barnabé. / PHOTO David ROSSI

Si l’ancienne figure de la droite ne va pas dans son livre jusqu’à parler d' »union des droites », certains de ses sympathisants n’hésitent plus à franchir ce qu’à Renaissance on qualifie de « ligne rouge ». « Avant, je n’aurai jamais voté FN mais maintenant, le RN, ils ont leur place, défend France, 76 ans, ex-conseillère d’éducation. Le rassemblement des droites, je suis complètement pour. On ne passera pas sinon ». Bien qu’admiratif de « l’homme d’État remarquable », Baptiste 20 ans, militant Renaissance, avoue lui avoir trouvé les propos de Nicolas Sarkozy « ambigus » et aimerait « des explications ». Jeudi, bien que conviée, la presse n’a pas été autorisée à poser la moindre question à Nicolas Sarkozy.