De 20 à 70 ans, «une frange très large en termes d’âge». Des suspects de toutes catégories socioprofessionnelles et «implantés sur l’intégralité du territoire national». Après les arrestations mercredi d’une vingtaine d’acheteurs de poupées pédopornographiques sur les plateformes Shein et AliExpress, la cheffe de l’Ofmin – le service d’enquête chargé de diligenter des procédures judiciaires pour lutter contre les violences faites aux mineurs – était l’invitée de France Info. Aurélie Besançon a souligné : «il n’y a pas de profil type».

Si elle avait indiqué jeudi à l’AFP que «sept [suspects, soit un tiers d’entre eux] étaient connus pour des faits sur des mineurs», la cheffe de l’Ofmin a prolongé ce vendredi sur la radio publique : «Ce qu’on constate, c’est que 40 % des internautes qui consultent du contenu pédocriminel, sous une forme ou sous une autre, sont passés ou vont passer prochainement à l’acte».

Dans cette affaire, plusieurs parquets ont déjà communiqué. A Annecy (Haute-Savoie) par exemple, la procureure Lise Bonnet a indiqué jeudi qu’un homme de 66 ans, né en 1959, et inconnu des services sera jugé le 21 janvier par le tribunal correctionnel pour acquisition et détention de l’image ou la représentation d’un mineur présentant un caractère pédopornographique. Il a été placé sous contrôle judiciaire en attendant le procès.

Dans le ressort du tribunal de Cambrai (Nord), un homme de 27 ans a été interpellé et déféré jeudi, a de son côté annoncé la procureure Ingrid Gorgen. Dans son cas, la poupée n’a pas été retrouvée lors de la perquisition, mais les enquêteurs ont découvert des images pédopornographiques générées via l’intelligence artificielle. L’homme, également inconnu des services judiciaires, a été placé sous contrôle judiciaire dans l’attente de son procès prévu le 28 avril. Il a été déféré des chefs d’«acquisition et de détention d’images ou de représentations d’un mineur présentant un caractère pornographique», a précisé la procureure.

Selon Ouest France, un quinquagénaire du Morbihan aurait reconnu en garde à vue avoir acquis une poupée sexuelle représentant une mineure. Le suspect est «défavorablement connu des services de police et […] l’objet a été saisi par les policiers lors de la perquisition de son domicile», précisent nos confrères.

Dans la Nièvre, le parquet de Nevers a annoncé le placement en garde à vue d’un autre homme pour les mêmes faits, mais «la perquisition n’a pas permis de découvrir d’objets dont la détention serait incriminée». La garde à vue a ensuite été levée. Les parquets des lieux de résidence des suspects – Orléans, Mulhouse, Nice, Lorient, Verdun, Lille et Chambéry, entre autres — sont désormais saisis des enquêtes pour l’acquisition de poupées sexuelles à l’allure enfantine.

Début novembre, la Répression des fraudes (DGCCRF) avait signalé à la justice la commercialisation de poupées sexuelles à caractère pédopornographique par le géant de l’e-commerce asiatique Shein. Le parquet de Paris avait ensuite ouvert quatre enquêtes, confiées à l’Ofmin, pour la vente de produits illégaux sur les plateformes Shein, AliExpress, Temu et Wish. Il reste aujourd’hui chargé des investigations «relatives aux plateformes et aux conditions dans lesquelles elles ont pu ne pas verrouiller l’accès aux mineurs à ces contenus ou diffuser des images ou représentations de mineurs à caractère pornographique», a-t-il indiqué.

Avec une soixantaine d’enquêteurs et seize services de police territoriaux, «nous avons mis en œuvre l’ensemble des moyens d’investigation à notre disposition», dont «les échanges avec les plateformes», pour identifier les acheteurs, a relaté Aurélie Besançon sur la radio publique. Pour la cheffe de l’Ofmin, «cette affaire permet de rappeler l’illégalité de ces produits, de leur vente et de leur acquisition. Ce sont des représentations sexuelles d’enfants, parfois très jeunes, à des fins sexuelles». «L’argument que l’on a pu entendre parfois de «ventes libres» par ces sites comme paravent à la connaissance de cette illégalité n’est pas audible», a considéré la commissaire.

Début novembre, après l’interpellation dans les Bouches-du-Rhône d’un homme de 56 ans qui avait commandé une poupée à caractère pédopornographique, la Haute-Commissaire à l’Enfance Sarah El Haïry, avait rappelé : «Détenir des objets pédocriminels, en l’occurrence ces poupées», tombe sous le coup de «l’article 227 alinéa 23, car ce sont des représentations d’enfants». Un délit est passible de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.