Pierre Gauttieri, Gilles Rossary-Lenglet et Samy Kéfi-Jérôme ont été condamnés le 1ᵉʳ décembre par le tribunal correctionnel de Lyon pour l’ensemble des faits qui leur étaient reprochés dans l’affaire de la sextape.

Pas de surprise, dans la mesure où ils ont reconnu et assumé leur responsabilité à l’audience. Gaël Perdriau, en revanche, a vigoureusement contesté toute implication. Il était donc essentiel de comprendre les raisons de sa déclaration de culpabilité. Le Progrès s’est procuré le jugement correctionnel qui a privé l’intéressé de son fauteuil de maire et va l’envoyer en prison.

« Gaël Perdriau réagit plutôt violemment »

Sur les faits de participation à une association de malfaiteurs, les juges relèvent que Gaël Perdriau « fait valoir qu’il n’existe aucun élément matériel qui l’implique, ni enregistrement, ni courriel, ni SMS ».

C’est ce que l’ancien maire a dit au procès. Mais les choses se corsent vite. « Gaël Perdriau veut croire que tous ces prévenus l’accusent parce qu’ils veulent lui nuire et espèrent de la sorte bénéficier d’une réduction de leur responsabilité. Le tribunal n’a pas pour mission de sonder les cœurs ni les âmes. »

Les juges font en revanche du droit, et ont cerné les éléments établissant les motivations de Gaël Perdriau. « Il est le maire de la ville, il vient d’être élu en 2014 […] Il s’agit d’empêcher Gilles Artigues de devenir trop indépendant, trop influent, au risque d’affaiblir le pouvoir du maire. » À qui profite le délit ?

Pour tenter de valider la thèse du complot sur laquelle le prévenu s’est arc-bouté, les magistrats se plient à un exercice acrobatique. « Il faudrait imaginer que Pierre Gauttieri, professionnel salarié, prend l’ascendant sur le maire au point de décider à sa place ce qui convient à ses intérêts jusqu’à commettre une infraction […] Il faudrait encore imaginer que Gaël Perdriau ne dirige rien au sein de son équipe et ne fait preuve d’aucune autorité en apprenant quels agissements et propos pour le moins indélicats sont constatés ou entendus par lui pendant l’exercice de son mandat. Or il ressort des différents témoignages de son entourage professionnel qu’au contraire Gaël Perdriau commande et fait preuve d’un tout aussi puissant désir de contrôle. Plusieurs témoins évoquent une organisation pyramidale plutôt exacerbée depuis son avènement à la mairie. » Du plomb en fusion dans l’aile du complot.

Les magistrats lyonnais s’appuient également sur « certains propos publics qui ne vont pas dans le sens de son ignorance de toute idée de kompromat visant Gilles Artigues ». On retrouve ici les désormais célèbres citations perdriesques « Théo ? C’est toi ? » et autres « partouze et gang bang »…

«J’te préviens Gilles, c’est au napalm que je vais passer »

Concernant le volet « chantage », le tribunal reprend les enregistrements fournis par Gilles Artigues. On entend Gaël Perdriau se lâcher contre son adjoint avec des phrases telles que « Méfie-toi que je ne diffuse pas certaines images si tu me refais ça », « Une fois que c’est sur les réseaux, c’est plus du chantage, c’est une exécution » ou encore « J’te préviens Gilles, c’est au napalm que je vais passer, j’en ai rien à branler des conséquences ».

Dans son jugement, le tribunal souligne « qu’on découvre la brutalité de la rhétorique employée par Gaël Perdriau et Pierre Gauttieri […] De concert et sans cesse, ils menacent Gilles Artigues de dévoiler ces images, de les diffuser. Étant observé que jamais Gaël Perdriau ne retient son directeur de cabinet ou l’invite à modérer ses excès verbaux ».

Enfin, note d’humour face à un Gaël Perdriau déclarant à l’audience qu’il « n’avait pas besoin de Gilles Artigues pour gagner les élections », le tribunal « entend faire observer que la constitution de l’infraction est indépendante du bien-fondé des antagonismes et n’a point besoin de mesurer la valeur de l’adversaire ou de connaître ses succès et ses chances électorales ».

Le « caractère atypique » du traitement des demandes de subvention

Sur les faits de détournement de fonds publics par personne chargée d’une fonction publique, en l’occurrence les 40 000 euros de subventions accordés à France-Lettonie et Agap pour financer le chantage, le tribunal « constate le caractère atypique du traitement de ces demandes. Deux très récentes associations sur le bassin culturel stéphanois, sans activité ou intérêt démontré lors du dépôt de leur demande, obtiennent une subvention conséquente dans un temps d’examen très court. En outre, l’examen de ces demandes emprunte un circuit plutôt dérogatoire tandis que l’allocation des subventions est décidée sur la réserve du maire, ce que ni l’objet de l’association ni l’urgence du projet ne justifient ».

Autres arguments massue : Gilles Rossary-Lenglet « se voit rétrocéder la presque totalité du montant de ces subventions » et « les associations ne présentent plus aucune nouvelle demande après 2015 ». C’est-à-dire juste après la conception, la réalisation et la livraison de la sextape…

« Aveuglé par son désir de pouvoir »

La présidente Brigitte Vernay l’avait dit en rendant son délibéré, « les faits sont d’une extrême gravité. D’abord parce qu’ils portent durablement atteinte à l’honneur et à la considération de Gilles Artigues, ensuite parce qu’ils sont commis par des élus ou des personnages de leur entourage proche, enfin parce qu’aucun d’entre eux ne se remet en cause au cours de ces années, comme animé d’un sentiment d’impunité et de toute puissance ».

Concernant plus particulièrement Gaël Perdriau, les juges relèvent « qu’il est le premier magistrat de la ville de Saint-Etienne. C’est pourtant lui qui souhaite et participe à cette entreprise délictuelle. Et il se montre encore bien peu capable d’empathie, tant il est autocentré sur sa défense, persuadé d’être la principale victime d’un complot. Tant il semble encore aveuglé par ses ambitions politiques et son désir de pouvoir ».

Gaël Perdriau, Samy Kéfi-Jérôme et Gilles Rossary-Lenglet ayant fait appel, ils sont de nouveau présumés innocents. Pierre Gauttieri est en revanche définitivement condamné. Un appel incident a été formé par le parquet et les avocats de Gilles Artigues et Michel Thiollière. Enfin, pas d’appel pour Anticor.