Les propos sont de Dan Bigham. Cet ingénieur en aérodynamique est une sommité en la matière. Ancien détenteur du record de l’heure, ce Britannique de 34 ans au sourire perpétuellement accroché au visage traduit un peu le sentiment général qui prévaut dans les rangs de Red Bull-Bora-Hansgrohe. Les pontes du géant austro-allemand se frottent les mains d’avoir mis cet automne le grappin sur le triple champion du monde du contre-la-montre. « Remco est sans doute le meilleur rouleur actuel, lance Ralph Denk, le patron de la formation basée à Salzbourg. Mais il est aussi et surtout l’un des coureurs les plus spectaculaires à voir. Quand il prend le départ d’une course, il y joue très souvent un rôle majeur en se montrant offensif. »
L’intéressé accueille évidemment ces compliments à bras ouverts. Mais il ne s’emballe pas. C’est à lui à s’adapter à un nouveau cadre de travail, à une autre philosophie que chez Soudal Quick-Step, la seule équipe qu’il a connue avant de franchir le pas vers une structure beaucoup plus grande – parce que présente dans d’autres sports – et plus internationale. « Ici, on parle surtout anglais », dit-il. Néanmoins, il pourra continuer à pratiquer la langue de Vondel avec Jordi Meeus et Maxim Van Gils, déjà habitué aux us et coutumes locaux, ainsi qu’avec Gianni Vermeersch et Arne Marit, arrivés, eux, d’Alpecin-Deceuninck et Intermarché-Wanty. « Depuis le début du stage ici à Majorque, Remco semble tout à fait à l’aise, affirme Meeus. Je le trouve très serein et heureux d’être là. Il sait qu’il peut compter sur moi s’il a besoin de quoi que ce soit, mais je pense qu’il est assez grand pour faire son propre chemin (rires). »
Nouveau venu, lui aussi, Vermeersch a été habitué à côtoyer un autre champion, en l’occurrence van der Poel. « Chez Alpecin, Mathieu prenait toute la place, affirme-t-il. C’était le coureur phare. J’étais tout le temps à son service. Cela ne m’a pas dérangé du tout mais, ici, ce sera différent. Il y a plus de leaders et Remco en est un. Je ne sais pas si nous roulerons souvent ensemble mais je sais déjà que je devrai serrer les dents pour garder le contact avec sa roue arrière lorsqu’il sera à fond en tête de groupe. »
guillement
Ce gars a un sacré palmarès. Je me sens tout petit à côté de lui.
Transfert tardif et surprenant, Arne Marit la joue modeste. « Me retrouver avec quelqu’un comme Remco, mais aussi aux côtés de Roglic, c’est un peu impressionnant, glisse le sprinter flandrien. Ces gars ont un sacré palmarès. Je me sens tout petit à côté d’eux. »
Evenepoel n’est pas le seul à venir du Wolfpack. Il a amené avec lui son directeur sportif Klaas Lodewijck, son confident et soigneur David Geeroms et son cousin mécanicien Dario Kloeck. « Être à plusieurs constitue un avantage. On sait que l’on peut se parler si l’on manque de repères, précise Lodewijck. Mais, je vous rassure, on ne s’est jamais senti perdu. On est venu pour aider Remco à être encore plus fort. Même si je vais beaucoup l’accompagner sur les courses, c’est bien qu’il soit confronté à d’autres points de vue. Il discute d’ailleurs pas mal avec Zak (NdlR : Dempster, le chef du département sportif). »
Transféré, lui aussi, de Soudal Quick-Step, Mattia Cattaneo n’est pas venu à la demande du double champion olympique. « J’avais signé quand Remco l’a fait, rappelle le coureur italien. Mais, finalement, c’est bien que nous soyons tous les deux là. On se connaît très bien. On a gagné plusieurs courses ensemble et je pense que Remco apprécie mon calme et mon expérience. Je serai toujours là pour l’épauler mais Remco est un vrai leader. C’est donc plutôt lui qui dicte la marche à suivre. »
guillement
Remco et moi sommes différents. Il aime la lumière, moi pas tellement.
Reste qu’Evenepoel n’est plus le leader unique de son équipe. D’autres, comme Florian Lipowitz et Primoz Roglic, ont ce statut. « Remco et moi sommes assez différents, assure l’Allemand (25 ans), 3e du Tour 2025 et qui partagera le leadership avec notre compatriote sur la prochaine Grande Boucle. Il aime disputer les classiques au printemps et il est l’un des meilleurs du monde sur les courses d’un jour. Il est assez punchy, alors que moi je préfère les longues ascensions. Je ne suis pas très à l’aise avec les médias, lui l’est plus. Il aime la lumière, moi pas tellement. »
« Remco est un bon gars, conclut le vétéran Roglic. On est tous assez différents de l’image qu’on renvoie en course, mais de ce que je vois pour le moment, c’est vraiment un gars sympa. » Et heureux d’être là…