Une pharmacienne qui met en place les nouveaux médicaments désormais en libre accès.Un médicament délivrable sans ordonnance n’est pas automatiquement autorisé en libre accès. © Freepik

Le 11 décembre 2025, l’ANSM a actualisé la liste des médicaments de médication officinale pouvant être présentés en accès direct dans les pharmacies. La décision autorise notamment la mise en rayon de plusieurs spécialités déjà délivrables sans ordonnance, mais jusqu’ici conservées derrière le comptoir.

Sont concernés, entre autres, des veinotoniques (Flavonoïdes Arrow Conseil® 500 mg et Flavonoïdes Arrow Conseil® 1 000 mg), des antiacides (Gavinium® et Gavinium menthe sans sucre®), un collyre antiallergique (Zagrapa® 0,25 mg/ml) ou encore un médicament homéopathique (Choleodoron®). Des traitements destinés à des symptômes courants : jambes lourdes, reflux gastrique, conjonctivite allergique légère ou troubles digestifs fonctionnels.

Il ne s’agit donc pas d’une libéralisation massive, mais d’un ajustement ciblé, sur des médicaments jugés suffisamment sûrs pour être utilisés sans diagnostic médical préalable.

Médicaments : pourquoi élargir leur accès ?  Médicaments : libre accès ne veut pas dire libre de tout

Un médicament en libre accès reste un médicament, avec des effets indésirables possibles, des contre-indications et des règles d’utilisation strictes.

Le Code de la santé publique impose que ces produits soient placés à proximité immédiate du comptoir, afin de garantir un « contrôle effectif » du pharmacien, qui peut intervenir à tout moment pour conseiller ou alerter le patient.

Le libre accès n’efface donc pas le rôle du pharmacien. Il le transforme. Le patient gagne en autonomie, mais le professionnel de santé reste le garde-fou.

Automédication : une pratique déjà bien installée

Selon les données de l’ANSM, près de 7 Français sur 10 déclarent avoir déjà pris un médicament sans consulter de médecin, le plus souvent pour soulager des maux jugés bénins : douleurs passagères, symptômes du rhume, troubles digestifs ou allergies saisonnières. Une pratique largement ancrée, portée à la fois par l’expérience personnelle, les conseils de l’entourage et, bien sûr, le rôle central du pharmacien.

Dans ce contexte, l’élargissement du libre accès ne crée pas une nouvelle habitude, mais formalise une réalité existante. Les patients se soignent déjà seuls, parfois avec un accompagnement professionnel, parfois de manière plus approximative. L’enjeu pour les autorités sanitaires n’est donc pas tant de freiner l’automédication que de l’encadrer, en orientant les choix vers des médicaments dont le profil de sécurité est jugé compatible avec un usage autonome, tout en maintenant des garde-fous clairs lorsque les symptômes persistent ou s’aggravent.

Médicaments en libre accès : un progrès sous conditions Des bénéfices attendus… mais pas démontrés partout

Faciliter l’accès à certains médicaments vise notamment à simplifier le parcours de soin pour des affections mineures. C’est un objectif régulièrement mis en avant par les pouvoirs publics, notamment dans un contexte de tension sur l’accès aux soins.

En revanche, il faut être précis, aucune donnée française récente ne permet d’affirmer que le libre accès désengorge significativement les consultations médicales. Le désengorgement des cabinets et des urgences relève davantage d’une intention de santé publique que d’un bénéfice objectivé. Le libre accès ne peut, à lui seul, résoudre les difficultés d’accès aux soins, mais il s’inscrit plutôt comme un levier complémentaire, dont l’efficacité dépend étroitement de l’information des patients et du rôle actif du pharmacien.

Le spectre du mésusage, bien réel

L’exemple récent de la pseudoéphédrine sert aujourd’hui de cas d’école. Longtemps disponible sans ordonnance pour soulager le rhume, cette molécule a été associée à des effets indésirables rares mais graves (accidents vasculaires cérébraux, infarctus). 

En décembre 2024, l’ANSM a donc décidé de rendre l’ordonnance obligatoire, estimant que le rapport bénéfice-risque n’était plus favorable dans le cadre de l’automédication.

Alors, plus l’accès est simple, plus le risque de mésusage augmente, en particulier chez les personnes cumulant maladies chroniques, traitements médicamenteux ou facteurs de risque cardiovasculaire. L’automédication, si elle n’est pas accompagnée, peut alors devenir source de confusion, voire de danger.

Médicaments en libre accès : une prudence à la française

Comparée à d’autres pays européens, la France reste prudente. Historiquement, le médicament y est considéré avant tout comme un produit de santé à part entière, étroitement encadré par les autorités sanitaires, bien plus que comme un simple bien de consommation. Cette culture du contrôle, façonnée par les crises sanitaires passées et un attachement fort au principe de précaution, explique en grande partie la prudence française en matière d’automédication.

Là où certains pays européens ont fait le choix d’ouvrir largement l’accès aux médicaments OTC, parfois jusqu’aux grandes surfaces, la France a privilégié une voie intermédiaire. Un accès facilité, mais exclusivement en pharmacie, sous l’œil du pharmacien et le pilotage de l’ANSM. Cette progression par étapes, parfois jugée lente ou restrictive, vise avant tout à préserver la sécurité des patients, sans pour autant nier leur capacité à prendre en charge des troubles simples du quotidien.

À SAVOIR 

Pour la plupart des médicaments utilisés sans ordonnance, les autorités sanitaires recommandent de ne pas dépasser quelques jours de traitement (souvent 3 à 5 jours selon les symptômes). En cas de persistance, d’aggravation ou de symptômes inhabituels, une consultation médicale est nécessaire. 

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