Sa décision est prise mais il est encore trop tôt pour le dire. C’est ce qui transpire du vrai-faux suspense entretenu par Sarah Knafo sur sa possible candidature à la mairie de Paris. A l’instar de son compagnon, Eric Zemmour, qui avait traîné avant de rentrer officiellement dans la course à la présidentielle en 2022, l’unique eurodéputée du parti d’extrême droite Reconquête prend son temps pour se déclarer. «Elle prendra sa décision définitive avant Noël mais c’est plutôt une inclination, oui», minaude son entourage. «Je regarde avec attention ce qu’il se passe dans la capitale de mon pays, je lirai les programmes, je verrai si les Parisiens ont les candidats qu’ils méritent et je déciderai. Je me laisse jusqu’à la rentrée», élude l’intéressée.
Alors que Rachida Dati pour la droite et Thierry Mariani pour le Rassemblement national sont déjà en campagne, les états-majors parisiens guettent les signes de sa déclaration de candidature. L’eurodéputée doit rencontrer des militants à Paris, ce jeudi : de quoi faire enfler la rumeur, que Sarah Knafo laisse courir. «On surveille ça de très près car elle peut faire très mal à Dati, admet-on dans l’entourage d’Emmanuel Grégoire, le candidat socialiste. Elle peut monter au-dessus de 10 % dans les sondages en janvier, siphonner le RN et devenir un vrai problème pour la droite». Créditée de 7 % d’intentions de vote selon certains instituts, elle pourrait surtout affaiblir la droite dans l’ouest de la capitale. «Elle entretient ses réseaux et démarche dans le XVIe et le XVIIe arrondissement», affirme un bon connaisseur de l’écosystème parisien. Dans ces arrondissements bourgeois, où le RN n’a jamais réussi à éclore, Zemmour avait percé, avec respectivement 17,48 % et 10,89 % des voix à la dernière présidentielle.
Secret de polichinelle
Enfant chérie de Vincent Bolloré, Knafo jouit d’une couverture médiatique sans commune mesure avec son poids politique. Au point de faire deux fois en deux mois la une du JDNews, suscitant jalousies et grincements de dents de ses petits camarades d’extrême droite : Jordan Bardella n’a pas franchement apprécié de se faire voler la couverture de l’hebdomadaire bolloréen le jour même du lancement de son second livre. Selon une source du groupe, le milliardaire en pincerait bien plus pour l’ultralibérale Knafo que pour le besogneux dauphin de Le Pen. D’autant que l’eurodéputée fait vendre : le pantagruélique hors série de 68 pages que lui a consacré Valeurs actuelles (propriété notamment de Pierre-Edouard Stérin, autre milliardaire d’extrême droite), s’est écoulé à près de 14 000 exemplaires, la meilleure vente hors série depuis 2023…
Si la jeune femme hésite encore, le très terne lancement de campagne de Thierry Mariani, la semaine dernière, pourrait l’avoir convaincue de se lancer. Voilà des mois que l’eurodéputé frontiste, qui préfère notoirement passer son temps libre dans les anciennes républiques soviétiques qu’à tracter sur les marchés parisiens, s’use les semelles à traîner des pieds. C’est un secret de polichinelle au sein du RN : en début d’année, Marion Maréchal est allée voir, sondages prometteurs en main, sa tante et Jordan Bardella, pour leur faire une offre claire de service. La réponse des deux aurait oscillé entre le scepticisme et la franche hostilité. Tandis que Mariani, lui, répétait à qui voulait l’entendre qu’il serait ravi, mais ravi de laisser sa place. «Bardella préfère le sacrifier que laisser un espace à Marion», s’effare un cadre d’extrême droite.
Débarrassée
De fait, le profil plus bourgeois de Maréchal correspond mieux à l’Ouest parisien que celui de Mariani, ancienne tête de liste RN en Paca en 2021. Le RN ne peut l’ignorer, lui qui avait présenté un ancien sarkozyste sous bannière ciottiste, Arnaud Dassier, aux législatives de 2024… avec un certain succès (15,55 % des voix).
L’absence d’un tel candidat attise l’intérêt de Knafo. En novembre, elle est allée flairer la concurrence dans les couloirs du Parlement européen, en demandant à Mariani devant quelques témoins s’il comptait bien se lancer à Paris et, au fait, si le nom de Maréchal était encore dans le chapeau. Débarrassée de ce doute depuis le 12 décembre, la patronne de Reconquête pense avoir son coup à jouer. «Si elle fait 7 % comme prédisent les sondages, c’est génial et si elle fait 10 % c’est un exploit», prédit un proche. Et en cas d’exploit, Knafo, à qui l’on prête des ambitions présidentielles pourrait se sentir pousser des ailes. Et l’envie d’occuper l’espace que le RN lui laisse.