Ambiance des grands jours, ce mercredi de la mi-avril, au stade Didot, dans le 14e arrondissement de Paris. Depuis la grille d’entrée de l’antre du Club Athlétique Paris 14, on perçoit en fond sonore l’un des chants les plus populaires du Collectif Ultras Paris, « Tous ensemble on chantera ». Un peu plus loin, la mascotte du PSG Germain le Lynx esquisse quelques pas de danses avec les U11 du club, qui s’apprêtent à entrer sur la pelouse. Le moment venu, les enceintes crachent le fameux « Who Said I Would » de Phil Collins. Ce n’est pas le Parc des Princes, mais pour ces gamins, c’est tout comme.
Ce dispositif spécial n’est pas là par hasard, bien sûr. Il a été installé dans le cadre du Club Tour Snipes, organisé par le PSG depuis cinq ans dans des clubs amateurs de la région Ile-de-France. Ce jour-là, deux entraînements sont prévus, pour les U11 puis les U13. Quelque 120 joueurs en herbe, au total, encadrés par six éducateurs du PSG, qui leur ont concocté les mêmes exercices que ceux effectués par les jeunes de leur âge au Campus – un contre un, motricité, explosivité, petits matchs à thèmes, perception visuelle. « J’adore, nous glisse Maël entre deux ateliers. C’est un peu différent de ce qu’on fait d’habitude, c’est plus intense. C’est trop bien, j’aimerais que ça dure toute la journée ! »
Dans cet atelier, il faut d’abord dribbler son adversaire avant d’aller marquer dans le mini but en face. - 20 Minutes / N.CAMUS
Chaque atelier est animé par un éducateur du PSG et un du CA 14, en binôme. Dans la matinée, tous les encadrants s’étaient réunis pendant deux heures pour échanger sur leurs expériences, leurs procédés, leurs éventuelles difficultés. « L’objectif, c’est de remercier tous ces bénévoles pour leur travail au quotidien, et de partager, nous explique Benjamin Houry, le directeur technique de la PSG Academy. On est là en tant que club phare de Paris, pour partager notre savoir-faire, présenter notre manière de travailler. Et pour les enfants, leur faire plaisir, montrer qu’on est là. »
L’opération, dont bénéficieront 10 clubs amateurs pendant ces vacances de Pâques, est en réalité à double entrée : elle sert aussi bien à diffuser la méthode PSG qu’à ancrer toujours plus le club dans son territoire, qui constitue l’un des viviers de footballeurs les plus importants de la planète. Les chiffres sont connus. Depuis des années, entre 60 et 70 % des joueurs professionnels français sont issus de région parisienne.
C’est le cas de Kylian Mbappé, Kingsely Coman, William Saliba, Jules Koundé, Ibrahima Konaté ou Mike Maignan, pour ne citer que quelques internationaux actuels. Si l’on étudie les cinq grands championnats européens (Angleterre, Allemagne, Espagne, France, Allemagne), 10 % des footballeurs y évoluant en sont originaires. Colossal. « Paris et sa banlieue, premier producteur mondial de footballeurs », comme le titrait So Foot dans une édition spéciale parue en 2024.
La concurrence à venir du Paris FC
Pour qu’un maximum de ces talents atterrissent à Poissy plutôt qu’ailleurs, le PSG prend donc soin de sa zone d’influence. « Ce Club Tour, ça renforce les liens que l’on peut avoir avec les clubs de la région. Parce qu’on vient chez eux, sait Benjamin Houry, qui s’occupe de la formation parisienne depuis 15 ans. C’est une manière de dire que le PSG, c’est vraiment le club de Paris et qu’on est là pour échanger, pour apprendre aussi. » Un enjeu d’autant plus important avec l’annonce récente du rachat du Paris FC par la famille Arnault, qui ne cache pas son ambition de puiser dans la richesse locale grâce au savoir-faire de Red Bull dans la détection.
Mais le PSG dispose d’un temps d’avance, qu’il compte bien continuer à cultiver. Au CA 14, 90 % des gamins sont originaires de Paris, et supportent le PSG, nous glisse Benoit Ledet, le directeur technique du club. « Pour eux, c’est vraiment un rêve éveillé cette journée. Elle va les marquer à vie », projette-t-il.
Pour lui, c’est clair, cette expérience va encore renforcer la volonté de ces jeunes pousses de signer un jour chez le champion de France. « On le voit, encore plus cette année, leur politique est d’amener une majorité de joueurs en équipe première issus du vivier parisien. Donc c’est tout dans leur intérêt, déjà, de fidéliser nos clubs, poursuit l’éducateur. Ce genre de journée montre que le PSG est attaché à ces jeunes de la région. Ce n’est pas seulement l’image d’un club lointain qui joue au Parc des Princes, c’est vraiment le PSG qui vient jusqu’à vous, qui est attaché à vous. Je pense que le message est hyper important. »
Il n’y a pas d’âge pour s’instruire au Lucho ball. - 20 Minutes / N.CAMUS
Il trouve une résonance chez les enfants… même ceux dont le cœur bat pour le grand rival. Malchance ou flair incomparable, les deux premiers apprentis footballeurs que l’on approche cet après-midi-là sont pour l’OM. Mais Waïs l’admet, cette journée le fait se sentir « un peu plus proche qu’avant du PSG ». Parce qu’il va repartir avec un maillot et une gourde, comme tous ses camarades, mais pas que. « Franchement, on a de la chance. Pas tous les enfants ont cette opportunité, reconnaît-il. Mon rêve c’est devenir joueur professionnel, et bon, même si c’est à Paris c’est pas grave. »
« Aller au PSG pour gagner plein de trucs, et puis jouer à l’OM à la fin »
Ziyad, dont la famille a déménagé depuis les Bouches-du-Rhône avant sa naissance, est lui aussi prêt à se faire une raison. S’il avait le choix, il prendrait le centre de formation de l’OM, même s’il fera attention à « qui sera le plus fort à ce moment-là ». « Dans tous les cas si je suis pro je suis content », ajoute-t-il en rigolant, se rappelant les paroles de son père, qui répète que « comme on habite ici, il faut aussi aimer Paris ».
Tout ça fait sourire Griedge Mbock, venue rendre visite aux enfants pour échanger un peu et participer aux ateliers avec eux. La défenseuse aux 73 sélections en équipe de France, qui a tout gagné en neuf saisons à l’OL avant de signer à Paris l’été dernier, note « l’intérêt, les sourires et l’enthousiasme » de ces mômes qui lui rappellent les bons souvenirs de ses premières années de foot dans le Finistère. Pour être passée par là, elle sait qu’une telle journée peut forger des convictions. « Ça leur permet de voir comment les jeunes du PSG s’entraînent au Campus. Ils peuvent y prendre goût grâce à ça », estime-t-elle.
Pour poursuivre l’expérience, un grand tournoi réunissant 24 équipes U11 et U13 issues de toute l’Ile-de-France a été organisé le 27 avril au centre d’entraînement de Poissy. Toujours pour « valoriser les jeunes talents franciliens et illustrer l’engagement local du PSG auprès des futures générations de joueurs », comme le vante le club. Peut-être cette compétition, disputée là où les pros suent chaque jour pour remporter la Ligue des champions, a-t-elle achevé de convaincre le petit Waïs sur son plan de carrière : « aller au PSG pour gagner plein de trucs, et puis jouer à l’OM à la fin ». On peut être étonnamment pragmatique à 11 ans.