Au cœur des terres agricoles de La Crau, l’exploitation familiale Loiseau se consacre avec passion à la fleur reine du printemps: la pivoine. Michael Loiseau, qui a repris les rênes de l’entreprise, partage l’histoire de cette culture exigeante mais gratifiante, initiée par ses parents, il y a une vingtaine d’années.
C’est Philippe Loiseau qui a planté les premières pivoines il y a près de deux décennies. À l’époque, elles venaient compléter d’autres cultures, comme les anémones ou les tournesols. « C’était vraiment juste un complément », explique Michael. Mais la pivoine a gagné en popularité et, au fil du temps, l’exploitation s’est spécialisée pour s’y consacrer entièrement. Ancien mécanicien agricole, Michael a quitté son emploi en 2020 pour rejoindre à plein temps l’exploitation familiale. Aujourd’hui, les pivoines occupent deux hectares. « On a baigné dedans avec ma sœur depuis tout petit », confie Michael, qui a appris le métier sur le terrain. Son père, bien que proche de la retraite, est toujours présent, un soutien indispensable dans les périodes intenses. Cultiver la pivoine n’est pas de tout repos.
L’exploitation compte une douzaine de variétés, chacune avec ses spécificités. « Elles ne se cueillent pas toutes de la même façon », précise Michael. La récolte se fait entièrement à la main, souvent en deux passages quotidiens pour certaines variétés, afin de cueillir les fleurs au stade idéal, encore un peu fermées pour supporter le transport. Car ces beautés locales voyagent loin, dans toute l’Europe et jusqu’aux États-Unis. Il faut trois ans après la plantation pour pouvoir récolter les premières fleurs. La météo est un facteur crucial et parfois capricieux. « Le top pour la pivoine, ça serait un froid de novembre à février. Bien sûr, il ne faut pas qu’il gèle en avril et mai ». Le dérèglement climatique complique la donne.
Versant nord du Fenouillet: des températures plus fraîches
Cette année, les pluies abondantes de mars ont causé des soucis: « On n’a jamais traité en plein air. Et là, cette année, on n’a fait que traiter », avoue l’horticulteur face aux développements de champignons. L’emplacement sur le versant nord du Fenouillet, bénéficiant de températures naturellement plus fraîches, reste un atout majeur pour cette culture.
L’agrandissement de l’exploitation s’est fait progressivement, parfois aidé par des coups du sort, comme des erreurs de livraison de plants qui ont finalement permis d’obtenir de nouvelles variétés intéressantes. Michael Loiseau reste prudent: « On plante des valeurs sûres, privilégiant les variétés éprouvées aux nouveautés incertaines ».
En ce moment, l’exploitation mobilise une équipe importante: sept personnes à plein temps, de l’étudiant au retraité, qui viennent renforcer la famille. Toute la production est acheminée au marché aux fleurs d’Hyères. Entre tradition familiale, adaptation aux aléas climatiques et modernisation, la culture de la pivoine à La Crau continue de fleurir, portée par la passion de père en fils pour cette fleur emblématique.
Des robots au marché aux fleurs
Gilles Rus, Directeur du développement du marché aux fleurs d’Hyères, analyse l’évolution spectaculaire de la pivoine: « En vingt ans, il y a eu une inversion de marché entre la rose et la pivoine. Si la pivoine est aujourd’hui le premier marché avec un chiffre d’affaires de plus de 10 millions d’euros, il y a vingt ans, la rose était à ce niveau ».
Cette mutation s’explique par la concurrence internationale sur la rose, qui nécessite du chauffage, alors que la pivoine, fleur d’extérieur, est parfaitement adaptée au climat varois, alternant froid hivernal et chaleur printanière.
Le marché varois est devenu un leader national pour la pivoine, rivalisant avec la production italienne. Pour gérer les volumes importants durant la saison courte (mi-avril à mi-mai environ), le marché s’est doté d’outils performants: « Notre plus est désormais deux robots de conditionnement qui nous permettent de trier rapidement les tiges par taille et maturité », précise Gilles Rus. Ces robots sont une aide précieuse pour les producteurs. Si le cœur de la production se situe dans le « triangle d’or » (La Crau, Carqueiranne, Hyères), le marché valorise aussi les apports d’horticulteurs du reste du Var, du Vaucluse et même de la région grenobloise, permettant d’étendre la période de commercialisation avec des fleurs plus tardives.