« Le regard de Nancy Huston veille sur moi. C’est très réconfortant. On y lit sa force et sa détermination. » La libraire Marie-Pierre Mazeau-Janot évoque la photo de l’écrivaine américaine qui flotte au-dessus de sa tête, dans sa boutique Les Ruelles, au cœur de la vieille…

« Le regard de Nancy Huston veille sur moi. C’est très réconfortant. On y lit sa force et sa détermination. » La libraire Marie-Pierre Mazeau-Janot évoque la photo de l’écrivaine américaine qui flotte au-dessus de sa tête, dans sa boutique Les Ruelles, au cœur de la vieille ville de Périgueux (Dordogne). On la doit à Pierre Dufour, « une belle rencontre humaine et artistique » que partage la librairie périgourdine à travers une exposition-vente, visible jusqu’au vendredi 15 janvier (1).

Au milieu des livres, on se laisse surprendre par de doux visages, inconnus ou célèbres, tous immortalisés par le même homme. Des détails, des ambiances cueillies en Amérique ou en Dordogne. Comme cette petite fille, sous un arbre géant du Périgord, ou les mains à large voilure du pianiste de jazz Hank Jones, frère d’Elvin Jones, batteur de John Coltrane. Le saxophoniste Sonny Rollins, lunettes noires, cheveux ébouriffés côtoie le chanteur et guitariste brésilien Caetano Veloso, ou encore le séduisant sculpteur Bruno Fonseca, rieur, les yeux bandés, dans une pose inattendue.

Univers singulier

Au-dessus du photographe, ses portraits des musiciens Hank Jones, Sonny Rollins et Caetano Veloso.

Au-dessus du photographe, ses portraits des musiciens Hank Jones, Sonny Rollins et Caetano Veloso.

Philippe Greiller

Bienvenue dans l’univers photographique singulier de Pierre Dufour, cet artiste devenu paysan à Lempzours, plus connu à Périgueux pour ses pains bio au levain, qu’il vend tous les samedis sur le marché de la place du Coderc, que pour ses talents de photographe dont il ne fait pas état. Pourtant dans une autre vie, pas si lointaine, il a été photographe professionnel. Enfant du pays, il est parti très jeune pour Londres, puis a traversé les États-Unis avant de se poser à New York. Il y restera vingt-cinq ans. « Je fais de la photo depuis que j’ai 15 ans. Mon père m’a payé la moitié de mon premier appareil. Et depuis, je n’ai jamais arrêté », témoigne-t-il.

Aux États-Unis, il a été assistant de photographes comme Hans Namuth ou encore Annie Leibovitz, spécialisée dans les portraits de célébrités. C’est sur les terrains de la mode, de la culture et de l’architecture qu’il a appris : « La meilleure école du monde, avec les meilleurs photographes du monde », dit-il en souriant. Sans perdre le goût de la simplicité : « J’ai appris à devenir humble en sillonnant l’Amérique du Sud, au cours d’un voyage de jeunesse initiatique », évoque-t-il.

Mise au vert en Dordogne

Passé à son compte, il a poursuivi l’aventure jusqu’à son retour en France, en 2005. En Dordogne, il a retrouvé la maison de sa grand-mère pour s’y mettre au vert. « J’étais photographe, mais aussi écolo. J’avais envie de convertir les terres au bio, par conviction, et ça ne se fait pas en claquant les doigts. » C’est le début d’une nouvelle histoire. Stage de maraîchage, diplôme agricole et finalement, le choix de la paysannerie boulangerie.

« J’étais photographe, mais aussi écolo. J’avais envie de convertir les terres au bio, par conviction »

À Lempzours, Pierre Dufour cultive des variétés anciennes de blé, ses engrais verts pour nourrir le sol. Il fait sa propre farine dans son moulin et confectionne son pain. Une activité qui prend du temps, mais ne lui fait pas oublier la photo. C’est finalement l’amitié, un autre terreau fertile, qui l’a conduit à ouvrir ses vieilles malles. Il y a gardé ses clichés américains et les autres. Grâce à Thierry Duquoy, « voisin » et cocréateur d’Ad Jardinum, on a pu les voir à l’automne dernier dans la librairie de Ligueux Chez Simone, lors de la quatrième édition du festival. Une heureuse découverte à partager, toujours entre les livres, mais cette fois à Périgueux.