🕒 Article publié le 23 décembre 2025

✅ Mis à jour le 23 décembre 2025

Le 12 décembre dernier, Bordeaux inaugurait la nouvelle porte de son hôtel de ville, presque trois ans après l’incendie criminel qui l’avait détruite. Le montant des travaux, 803 822 euros, fait débat. Pourtant, la réalité du financement de cette restauration patrimoniale raconte une toute autre histoire.

Nouvelle porte de la mairie de Bordeaux après l’incendie © Thierry David

Le coût de la restauration du Palais Rohan divise

Le chiffre fait bondir : 803 822 euros pour remplacer une porte. C’est le montant total qu’a nécessité la restauration de l’entrée monumentale du Palais Rohan, siège de la mairie de Bordeaux depuis 1837. Un coût qui interpelle d’autant plus que l’incendie résulte d’un acte criminel perpétré en marge des manifestations contre la réforme des retraites en 2023.

Toutefois, ce montant mérite d’être replacé dans son contexte. D’abord, les assurances municipales ont pris en charge 628 000 euros, soit 78% de la facture totale. Par conséquent, le coût réel pour la collectivité s’élève à environ 175 000 euros. Ensuite, il ne s’agit pas d’une simple porte mais d’un élément architectural du XVIIIe siècle, classé Monument historique depuis 1997.

Cette porte monumentale pèse 1 800 kilos et mesure environ 4 mètres sur 7. Elle a mobilisé 13 entreprises spécialisées, dont sept implantées en Gironde. Parmi elles, Les Métiers du Bois (LMDB) a sculpté les deux battants en chêne massif, tandis que les Compagnons de Saint-Jacques ont restauré l’encadrement de pierre.

Les Bordelais ont tranché : une restauration à l’identique

À l’automne 2023, la mairie a lancé une vaste consultation publique. Deux options étaient proposées : reconstruire la porte à l’identique ou opter pour une création contemporaine respectant les codes patrimoniaux. Le résultat fut sans appel.

Sur les 13 820 participants, 75,5% ont choisi la restauration fidèle à l’originale de 1784. Cette mobilisation citoyenne exceptionnelle démontre l’attachement profond des Bordelais à leur rues et patrimoine architectural. Pierre Hurmic, le maire écologiste, a respecté ce vote populaire.

La nouvelle porte présente néanmoins une différence notable avec celle qu’elle remplace. En effet, l’ancienne avait été repeinte en bleu après la Seconde Guerre mondiale. Les conservateurs du patrimoine ont décidé de revenir à l’aspect d’origine : le bois de chêne dans sa teinte naturelle, tel qu’il était en 1784. Ce choix esthétique confère à l’ouvrage une authenticité historique que l’ancien badigeon masquait.

3 500 heures de travail pour recréer un chef-d’œuvre

Derrière le chiffre financier se cache un travail artisanal colossal. La restauration a nécessité 3 500 heures de travail réparties sur 30 mois. Les artisans ont dû reproduire à l’identique les ornements sculptés, notamment les visages de Saint-Pierre et Saint-Paul qui ornaient la porte d’origine.

Fabrication de la nouvelle porte de l'hôtel de ville

Fabrication de la nouvelle porte de l’hôtel de ville © I.Franchet

Le Palais Rohan a été construit entre 1771 et 1784 pour l’archevêque Ferdinand-Maximilien Mériadec de Rohan. À l’époque, c’était un archevêché avant de devenir successivement palais impérial sous Napoléon Ier puis hôtel de ville en 1837. Cette porte représente donc bien plus qu’un simple accès : elle symbolise près de 250 ans d’histoire bordelaise.

Les Métiers du Bois ont utilisé du chêne massif issu de forêts françaises, labellisé “Bois de France niveau or”. Chaque battant pèse environ 900 kilos et a été assemblé selon des techniques traditionnelles du XVIIIe siècle. Les Ateliers de la Chapelle, situés dans le Maine-et-Loire, se sont chargés de sculpter les figures décoratives avec une précision millimétrique.

Six condamnations pour l’incendie criminel

La facture financière n’est pas la seule conséquence de l’incendie du 23 mars 2023. En mars 2024, le tribunal correctionnel de Bordeaux a condamné six personnes à des peines allant d’un an avec sursis à six ans de prison ferme.

Retraites : incendie à la mairie de Bordeaux

 

La condamnation la plus lourde a frappé un homme de 41 ans, déjà condamné 24 fois auparavant. Les enquêteurs l’ont identifié grâce aux images de vidéosurveillance. Il apparaît clairement en train d’alimenter le brasier avec des poubelles et une trottinette électrique. Les autres prévenus, pour la plupart sans emploi et présentant des addictions, ont qualifié leur geste d’”idiot” et “dangereux”.

L’incendie avait duré une quinzaine de minutes avant que les pompiers ne l’éteignent. Les flammes, qui montaient à plusieurs mètres de hauteur, avaient également endommagé l’encadrement de pierre. D’où la nécessité d’inclure ces travaux de maçonnerie dans la restauration globale.

La nouvelle porte du Palais Rohan incarne désormais un symbole double : celui de la préservation du patrimoine mais aussi celui de la résilience d’une ville face au vandalisme. Un patrimoine que les Bordelais ont choisi de conserver intact pour les générations futures.