On se noie sous les écrans. Du réveil au coucher, c’est une avalanche de rétroéclairage, de notifications… qui nous grille la rétine. SwitchBot, d’habitude connu pour ses petits robots qui appuient sur des interrupteurs à notre place, prend un virage à 180 degrés. Leur promesse avec l’AI Art Frame ? Un écran qui ne ressemble pas à un écran. Pas de fil, pas de lumière, juste de l’encre électronique couleur pour transformer votre mur en galerie d’art dynamique. On l’a testé !
SwitchBot AI Art Frame // Source : Ulrich Rozier
Sur le papier, c’est assez unique. La technologie Spectra 6 est le dernier cri de l’encre électronique, capable d’afficher 6 couleurs primaires pour mélanger le reste. C’est prometteur. Ajoutons à ça… 2 ans d’autonomie. Est-ce qu’on n’aurait pas ici la renaissance des cadres photos numériques ?
Fiche technique
Design et performances
Le premier contact est déroutant, dans le bon sens du terme. Quand on sort le cadre de la boîte, on a l’impression de manipuler un vrai cadre photo. Les matériaux sont soignés, le plastique imite bien le bois mat, et surtout, c’est léger. On est loin des « cadres numériques » des années 2000, ces horreurs épaisses avec un câble d’alimentation qui pendouillait comme une perfusion ratée.
L’installation est d’une simplicité enfantine. Vu que ça pèse un kilo à tout casser, pas besoin de sortir la perceuse à percussion. Les adhésifs fournis ou un simple clou suffisent. SwitchBot a même eu l’intelligence de rendre le cœur du système compatible avec les cadres standard de chez IKEA. Vous n’aimez pas le cadre noir fourni ? Allez acheter un cadre en bouleau à 5 euros chez les Suédois, ça rentre. C’est le modèle RÖDALM d’IKEA qui est compatible. Pour le modèle 13,3 pouces : Il correspond généralement au format 21 x 30 cm (proche du A4).
Parlons de cet écran. L’E-Ink Spectra 6, c’est bluffant… sous certaines conditions. Quand vous affichez une peinture à l’huile, type La Jeune Fille à la Perle de Vermeer, c’est à s’y méprendre. Il y a ce grain, cette texture mate qui absorbe la lumière ambiante au lieu de la projeter. C’est reposant, organique. On a envie de toucher pour vérifier que ce n’est pas du papier.
Tableau de Sophie Lamba, le vrai est… à droite évidemment
Mais attention, la douche froide arrive vite si vous sortez des sentiers battus. J’ai essayé d’afficher des photos de vacances prises avec un smartphone. Le résultat ? C’est sympa, mais trop terne. Les couleurs manquent cruellement de peps, le contraste est mou. Si votre photo n’est pas ultra contrastée et saturée à la base, l’écran la rendra « triste ». N’espérez pas la fidélité colorimétrique d’un iPad Pro. Ici, on est dans l’interprétation artistique, pas dans la reproduction fidèle.
SwitchBot AI Art Frame // Source : Ulrich Rozier
De plus, il faut comprendre une chose essentielle : cet écran n’émet aucune lumière. Zéro. Ce qui veut dire que le soir, quand vous tamisez les lumières du salon pour regarder un film, votre cadre à 350 euros devient un rectangle noir presque invisible. Il vit au rythme du soleil et de vos lumières. C’est poétique, certes, mais ça limite grandement l’intérêt si vous vivez dans une grotte ou si vous bossez tard le soir.
SwitchBot AI Art Frame // Source : Ulrich Rozier
Le rafraîchissement de l’image est une expérience en soi. Vous changez d’image via l’application, et là, le cadre entre en transe. Ça clignote, ça passe par des phases de couleurs psychédéliques, ça flashouille pendant près de 20 secondes.
C’est la technologie qui veut ça (les particules doivent bouger physiquement), mais c’est lent. Très lent. Oubliez l’idée de l’utiliser comme une horloge ou pour afficher des notifications en temps réel. C’est fait pour changer une fois par jour, pas toutes les minutes.
SwitchBot AI Art Frame // Source : Ulrich Rozier
L’autonomie est le vrai point fort qui fait pardonner beaucoup de choses. SwitchBot annonce deux ans si on ne touche à rien. Dans la vraie vie, si vous changez d’image tous les jours, vous tiendrez plusieurs mois sans problème. Pouvoir accrocher un écran au mur sans se soucier de trouver une prise électrique à proximité, c’est une libération totale en termes de déco.
SwitchBot AI Art Frame // Source : Ulrich Rozier
Côté performances pures, on ne peut pas parler de « puissance ». C’est un microcontrôleur (probablement un ESP32) qui pousse des images. Ça ne chauffe pas, ça ne fait pas de bruit. Par contre, la limitation des 10 images en mémoire cache est incompréhensible. On doit repasser par l’app et le transfert (lent) dès qu’on veut varier les plaisirs au-delà de cette petite sélection. C’est une friction inutile.
Un point qui fâche les geeks (dont je fais partie) : l’écosystème. SwitchBot est connu pour son ouverture, notamment via ses Hubs. Ici ? Rien. Pas de compatibilité Home Assistant pour le moment. Vous ne pourrez pas automatiser l’affichage de la pochette de l’album que vous écoutez sur Spotify, ni afficher la météo locale automatiquement. C’est un système fermé, et pour un produit « tech », c’est frustrant.
SwitchBot AI Art Frame // Source : Ulrich Rozier
Enfin, la taille. Le 13,3 pouces (format A4 grosso modo) est un bon compromis, mais à 350 euros, ça pique. Le modèle 7,3 pouces fait vraiment « cadre photo de grand-mère », trop petit pour être immersif. Quant au modèle 32 pouces à 1500 euros… disons que c’est réservé à ceux qui ont déjà tout acheté chez Apple et qui s’ennuient. Le rapport surface/prix est difficile à justifier face à un téléviseur The Frame de Samsung, même si la techno n’a rien à voir.
Applications et IA
L’application SwitchBot, c’est un peu la foire à la saucisse végétale. Vous avez votre aspirateur robot, votre thermomètre, et au milieu, ce cadre « artistique ». L’interface est fonctionnelle mais manque de glamour. On peut régler le recadrage, la luminosité et le contraste (indispensable pour compenser la fadeur de l’écran), mais ça reste utilitaire.


SwitchBot mise tout sur l’IA pour vendre ce produit. Ils utilisent un modèle (probablement Gemini alias Nano Banana) pour générer des images ou « remixer » vos photos. « Transformez votre selfie en Van Gogh », nous dit-on. Dans les faits ? C’est un gadget amusant cinq minutes. Les résultats oscillent entre « sympa de loin » et « cauchemar anatomique ». Il y a beaucoup d’erreurs, on est loin des exemples qui illustrent l’app. Sachez aussi que vous pouvez générer quelques dizaines d’images par jour gratuitement sur Gemini.
Le vrai scandale, c’est le modèle économique. Après une période d’essai, on vous suggère gentiment de passer à la caisse. Environ 5 euros par mois pour avoir le droit de générer plus d’images ? Pardon ? On achète un matériel à 350 euros et il faut encore payer une rente pour avoir des fonds d’écran aléatoires ? C’est un grand non.


Heureusement, vous pouvez ignorer toute cette partie « IA » et juste uploader vos propres fichiers. Mais l’application ne facilite pas la tâche pour trouver des œuvres d’art classiques optimisées. On aurait aimé une bibliothèque de haute qualité gratuite, fournie avec le cadre, plutôt que de nous pousser vers un générateur d’images moyen.
Le logiciel n’est pas au niveau du matériel. Le hardware est noble (aluminium, E-Ink), le software fait « jouet ». On veut de l’art, on nous vend de la génération procédurale et de l’abonnement. Dommage.
Prix et disponibilité
Le SwitchBot AI Art Frame est disponible dès maintenant. Les tarifs sont clairs : 150 € pour le petit 7,3″, 350 € pour le 13,3″ (notre version de test), et un délirant 1500 € pour le 32″.
Est-ce que ça les vaut ? Pour le 13 pouces, c’est cher payé le pixel passif. On paie la nouveauté de la dalle Spectra 6 qui coûte une fortune à produire. Le prix baissera probablement, mais pour l’instant, c’est un produit de luxe pour early adopters qui veulent épater la galerie (et là littéralement).
Alternatives
Si vous voulez afficher de l’art numérique, le Netgear Meural reste la référence absolue. L’écran est un LCD mat rétroéclairé, donc visible la nuit, avec une colorimétrie bien supérieure. Par contre, il y a un fil à la patte (câble obligatoire) et il n’est disponible plus qu’en occasion aujourd’hui.
Si vous voulez du « clé en main » raffiné : Aura Ink. C’est le rival le plus sérieux. Même diagonale de 13,3″ et même technologie Spectra 6 (couleur), mais dans un écrin beaucoup plus chic (ultra-fin, 1,5 cm). Le hic ? L’autonomie est ridicule comparée au SwitchBot : 3 mois maximum contre 2 ans ici. Et le prix pique un peu plus (environ 400 €).
Si vous voulez juste que votre TV ne ressemble pas à un trou noir, le Samsung The Frame est imbattable. C’est une vraie télé 4K, et en mode veille, ça affiche de l’art. Ça consomme beaucoup plus d’électricité, ce n’est pas le même usage, mais pour le prix du SwitchBot 32″, vous avez une TV 65″ complète.

