Par
Léa Pippinato
Publié le
24 déc. 2025 à 20h20
Un café pris au hasard dans un hôtel, un bébé jugé « trop mignon » par des inconnus, un éditeur assis à la table d’à côté. Il n’en fallait pas plus pour déclencher une BD couronnée par 72 pages d’autodérision féroce.
Charlotte Quentin annonce la couleur dès les premières pages : sa vie ressemble à une comédie involontaire. Elle le dit avec un sourire franc : « Ma vie est une vaste blague. Je suis entourée de protagonistes assez talentueux dans l’absurdité. » Son premier roman graphique, Abel – J’adore mes parents, retrace un parcours débuté à 40 ans. Une grossesse très suivie, un accouchement « épique », puis un quotidien qui bouscule tout. Elle parle d’un « changement de vie à jamais », sans pathos ni solennité. Elle privilégie l’humour et revendique ce choix : « Il vaut mieux rire. Je fais ça tout le temps, sinon je m’énerve ! »
Cette BD déjoue les récits trop lisses. Elle traverse des scènes concrètes, parfois rudes, souvent cocasses. Le parc pour enfants, l’adaptation en crèche, les nuits courtes, la charge mentale en mille tiroirs. L’autrice décrit des situations vécues : elle grossit certains traits, mais n’invente rien.
Le déclic inattendu d’une illustratrice reconnue
Avant cette BD, Charlotte Quentin ne dessinait pas d’histoires séquentielles. Elle travaillait les animaux, les plantes, le naturalisme. Elle connaissait les codes de l’illustration, pas ceux de la bande dessinée. « Je n’avais jamais fait de BD. Je n’avais même pas le temps. » Son éditeur la pousse pourtant à essayer. La scène paraît irréelle : il regarde son compte Instagram, petit carnet intime suivi par trente proches. Sa femme lâche un « C’est quand même très mignon » et tout bascule. La rencontre relève du hasard total. Une coïncidence renforcée par les souvenirs d’enfance : Charlotte fréquentait déjà des auteurs montpelliérains grâce au travail de sa mère. Son futur éditeur connaissait cette même génération.
Née à Reims, formée à l’ESA Saint-Luc de Liège en arts appliqués, diplômée avec distinction en 2008, Charlotte Quentin multiplie les expériences. Le Nord, puis le Sud. Elle s’installe à Montpellier et enseigne en école d’art tout en poursuivant son travail d’illustratrice. La BD surgit sur ce parcours comme une bifurcation tardive et énergique. Neuf mois de travail intensif aboutissent à un album de 70 pages, plus dense que prévu, publié par Alter Comics en octobre 2025.
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Un regard franc sur la maternité tardive
La maternité à 40 ans ne lui paraît pas exceptionnelle. Elle décrit surtout un rythme médical plus lourd, une fatigue accrue, une solitude inattendue. À cet âge, les cercles d’amis évoluent. Certains n’ont pas d’enfants, d’autres ont déjà quitté la petite enfance. On a un décalage. C’est la vie. » Tout entre dans la BD : les langes, les fuites urinaires après l’accouchement, le couple, le papa « anti-héros » tendre et imprévisible, la crèche qui change de locaux après la découverte de plomb sur les murs. Elle relate aussi la disparition de son chat, quelques jours avant la sortie du livre.
Les lectrices se reconnaissent. « Les mamans m’en parlent beaucoup. Elles retrouvent leur accouchement et se sentent moins seules. » La BD devient alors un espace de solidarité involontaire. J’adore mes parents n’est que le premier tome de la série. Le deuxième est en cours d’écriture. L’autrice prévoit l’arrivée des grands-parents et évoquera les vacances ratées entre amis, les enfants du même âge qui transforment tout en épreuve… Son fils, Abel, reconnaît déjà les personnages. Il grandira avec cette œuvre. Il la jugera peut-être, ou pas. Sa mère plaisante : « Au pire, il n’aimera pas. Et tant pis ! »
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