Selon une récente étude représentative de la population des 16 ans et plus, publiée dans The Lancet Public Health[1], la prévalence d’usage des sachets de nicotine au Royaume-Uni est passée d’environ 0,1 % de la population générale en 2020 à 1 % en 2025, ce qui correspond à plus d’un demi-million d’utilisateurs. Cette croissance est principalement portée par les membres de la génération Z, avec environ 4 % des 16-24 ans déclarant utiliser ces produits en 2025, contre 0,7 % en 2022. Une proportion notable des utilisateurs (environ 16 %) n’a jamais fumé régulièrement de cigarettes, et une majorité des usagers cumule l’usage de sachets de nicotine avec d’autres produits nicotiniques, comme les cigarettes ou les cigarettes électroniques.
L’analyse repose sur les données de l’étude publiée dans The Lancet Public Health, qui a utilisé des données provenant d’une enquête transversale représentative de la population en Grande-Bretagne, conduite entre octobre 2020 et mars 2025, avec un échantillon total de 127 793 personnes âgées de 16 ans et plus. La prévalence actuelle d’usage des sachets de nicotine a été estimée pour l’ensemble de la population et pour plusieurs sous-groupes définis par l’âge, le sexe et les comportements tabagiques ou vapotage. L’étude est financée par Cancer Research UK et s’appuie sur les données de l’enquête Smoking Toolkit Study, un dispositif de surveillance des comportements liés au tabac et aux produits nicotiniques au Royaume-Uni.
Une diffusion générationnelle marquée, portée par les jeunes hommes
Les données montrent une progression nette de l’usage des sachets de nicotine dans la population britannique, avec une prévalence d’utilisation actuelle estimée à environ 1% de la population âgée de 16 ans et plus en 2025, contre 0,1 % en 2020, soit une augmentation d’un demi-million de personnes. Cette augmentation est particulièrement marquée parmi les jeunes adultes : chez les 16-24 ans, l’usage est passé de 0,7 % en 2022 à 4 % en 2025, et il est encore plus élevé chez les jeunes hommes de cette tranche d’âge, avec un taux d’environ 7,5 % en 2025, contre 1,9 % chez les jeunes femmes du même groupe d’âge. À l’inverse, l’usage reste faible et stable chez les adultes de 35 ans et plus durant cette période. Par ailleurs, une part croissante de fumeurs a recours aux sachets de nicotine dans leurs tentatives de réduction ou d’arrêt du tabac, passant de 0,4 % des tentatives en 2020 à 1,7 % en 2025, ce qui suggère des usages diversifiés de ces produits. Ces tendances s’inscrivent dans un contexte de marketing particulièrement agressif, incluant des campagnes promotionnelles sur les réseaux sociaux, l’affichage dans les transports publics et le parrainage d’événements susceptibles d’attirer les jeunes générations. L’ensemble de ces éléments souligne l’importance d’une attention renforcée des autorités de santé publique face à l’expansion de ces produits chez les jeunes adultes rappellent les auteurs de l’étude.
Une dépendance nicotinique entretenue par la coexistence de différents produits
Les résultats de l’étude indiquent que l’usage des sachets de nicotine s’inscrit le plus souvent dans des pratiques de poly-consommation. Près de 69 % des utilisateurs déclarent consommer simultanément au moins un autre produit nicotinique. Parmi eux, 56,4 % continuent de fumer des cigarettes combustibles et 38,8 % utilisent également des cigarettes électroniques, révélant des schémas d’usage double, voire triple, plutôt qu’un remplacement d’un produit par un autre. Ces données suggèrent que les sachets de nicotine ne se substituent pas majoritairement aux produits existants mais viennent s’y ajouter, contribuant au maintien, voire au renforcement, d’une dépendance globale à la nicotine.
L’étude met également en évidence que 15,6 % des utilisateurs de sachets de nicotine n’ont jamais été des fumeurs réguliers, ce qui soulève des interrogations quant au rôle potentiel de ces produits dans l’initiation à la consommation de nicotine. Dans une perspective de santé publique, ces éléments interrogent le positionnement des sachets de nicotine comme outils de réduction des risques, mis en avant par leurs fabricants, et soulignent la nécessité d’une vigilance accrue face aux risques de banalisation de la dépendance nicotinique, en particulier chez les jeunes adultes. Au-delà, se pose à plus ou moins long terme, la question de l’effet passerelle potentiel de ces produits en particulier vers les produits du tabac.
Un impératif de réglementation face à des usages en forte expansion
La progression rapide de l’usage des sachets de nicotine, en particulier chez les jeunes adultes, soulève des enjeux réglementaires majeurs et met en évidence les limites des cadres existants face à l’émergence de nouveaux produits nicotiniques. Les auteurs soulignent la nécessité d’une réponse réglementaire proactive afin d’éviter que ces produits ne contribuent à une normalisation durable de la consommation de nicotine, notamment auprès de publics jeunes n’ayant pas d’antécédents tabagiques. Ils recommandent en particulier un encadrement strict de l’accès à ces produits, des restrictions fortes en matière de marketing et de promotion, ainsi qu’une surveillance continue de leur diffusion et de leurs usages au sein de la population.
Dans ce contexte, plusieurs pays ont déjà adopté des mesures restrictives, voire des interdictions, afin de prévenir l’émergence d’une nouvelle dynamique de dépendance nicotinique. En Europe, la France, la Belgique et les Pays-Bas ont ainsi interdit la commercialisation des sachets de nicotine, considérant les signaux préoccupants liés à leur attractivité auprès des jeunes et l’absence de bénéfices démontrés en matière de sevrage tabagique à l’échelle populationnelle. Ces choix s’inscrivent dans une approche de précaution visant à protéger les jeunes générations et à éviter l’installation d’une nouvelle épidémie de consommation de nicotine, susceptible de compromettre les avancées réalisées en matière de lutte contre le tabagisme. Les sachets de nicotine se caractérisent en effet par des teneurs majeures en nicotine et la dépendance induite pose aussi la question de l’arsenal thérapeutique inexistant pour la prise en charge des consommateurs désireux de se sevrer de ces produits.
Les auteurs appellent par ailleurs à renforcer la collecte de données indépendantes, à mieux documenter les trajectoires de consommation multiples et à intégrer les sachets de nicotine dans les stratégies globales de prévention des addictions. Dans une perspective de santé publique, ces recommandations convergent vers la nécessité d’anticiper les stratégies de diversification de l’offre nicotinique et de garantir des cadres réglementaires cohérents, fondés sur la protection de la santé, la prévention de l’initiation et la dénormalisation de l’usage de la nicotine sous toutes ses formes.
AE
[1] Oral nicotine pouch use in Great Britain: a repeat cross-sectional study, 2020–25, Tattan-Birch, Harry et al. The Lancet Public Health, Volume 0, Issue 0
Comité national contre le tabagisme |