Le monde ne ralentit plus. Il se fracture. Brutalement. Nous sommes entrés dans une époque d’hyper-réalité géopolitique : la force précède le droit, la puissance précède la norme. La guerre est revenue sur notre continent. L’Amérique ne protège plus. La Russie attaque. L’ordre mondial s’effondre. Et l’Europe parle encore de valeurs, croyant conjurer le réel par des mots. Nous vivons sur des ruines : celles du droit international, de la dissuasion collective, du confort stratégique.

Trump est de retour. Il ne défendra pas l’Europe. Il la considère comme un fardeau. Il calcule. Il facture. Il exprime la fin d’une ère transatlantique dont nous avons été les grands bénéficiaires et que nous avons trop longtemps prise pour acquise. La Russie ne négocie pas. Elle efface. Elle veut détruire la nation ukrainienne. Elle mène une guerre d’annexion que l’Occident n’a pas voulu voir. Nous avons cru que l’histoire était finie. Elle recommence. Elle sera brutale, cynique, implacable.

Florian Bachelier, ici en juin 2021, alors député.Florian Bachelier, ici en juin 2021, alors député. (Vincent Michel/Le Mensuel)

Hubert Védrine l’a dit : il n’y a plus d’Occident. Il y a des nations, des coalitions éphémères, des affrontements. Et il y a l’Europe, qui a cru abolir la conflictualité par décret. Elle doit comprendre que l’histoire est de retour, avec ses volontés, ses passions, ses rapports de force. L’Europe a régulé, harmonisé, étendu ses compétences. Mais elle n’a pas bâti de volonté stratégique. Résultat : vulnérable, dépendante, divisée. Elle est sommée de choisir : rester dans la soumission ou redevenir puissance. La neutralité n’existe plus.

Il faut que cela cesse. Cesser de dépendre. Cesser d’attendre. Cesser de croire que la paix est un acquis. Nous devons redevenir stratèges. Souverains. Présents. La naïveté n’est plus une option. Le déni est devenu une faute stratégique, l’angélisme une capitulation. Quelques nations doivent prendre la tête : la France, le Royaume-Uni, la Pologne. Et d’autres, si elles le veulent. Pas besoin de tous. Besoin de volontaires. Défense, renseignement, frontières : il faut reconstruire une force, une capacité réelle à dire non et à le faire respecter.

Le désordre est aussi intérieur. Offensive islamiste. Immigration mal maîtrisée. Déni du réel. Il faut restaurer l’autorité de l’État, sans sombrer dans la panique identitaire, ni céder au confort du déni. Il faut rappeler une évidence : la France a le droit de décider qui peut devenir français, selon ses propres exigences, non sous la pression des modes ou des injonctions extérieures. Pas de discours. Des actes. Pas de valeurs proclamées. Des décisions assumées. Pas d’idéologie. Une stratégie.

Le plus grave n’est pas la multiplicité des menaces. C’est l’effondrement du sens commun. L’Europe vit dans un confort post-historique, alors que le monde revient avec ses férocités. Il faut retrouver le fil d’une civilisation européenne consciente d’elle-même. Pas une Europe abstraite, mais une Europe incarnée. Faite de nations fières et solidaires. De cultures liées par une mémoire commune, un style, une exigence. C’est cela que nous devons défendre. Non contre le monde, mais dans le monde. Non en restaurant les empires, mais en assumant nos responsabilités. Non pour donner des leçons, mais pour ne plus en recevoir.