Les liens entre alimentation et cancer font l’objet de
nombreuses recherches scientifiques depuis plusieurs décennies.
Certaines aliments riches en graisses,
longtemps considérées comme neutres voire bénéfiques, sont
aujourd’hui réévaluées à la lumière de nouveaux travaux
expérimentaux. Une étude américaine remet ainsi en
question le rôle de l’acide linoléique, un acide gras très présent
dans les huiles végétales. En identifiant un mécanisme biologique
précis, les chercheurs ouvrent de nouvelles pistes de réflexion sur
la prévention nutritionnelle, tout en soulignant la complexité des
interactions entre alimentation, métabolisme et
cancer.
Les résultats scientifiques qui relancent le débat
Les mécanismes biologiques observés chez les souris
Les chercheurs ont mis en évidence un mécanisme précis
expliquant comment l’acide linoléique pourrait
stimuler la croissance de cellules cancéreuses du sein dites
triple négatif. Chez la souris, ce lipide se lie à
une protéine appelée FABP5, très présente dans ces tumeurs
agressives. Cette interaction active ensuite la voie mTORC1,
impliquée dans la prolifération cellulaire. Ce processus favorise
une croissance tumorale accélérée, démontrant un lien direct entre
graisses alimentaires et développement tumoral dans un cadre
expérimental contrôlé.
Les données humaines qui renforcent la plausibilité
Les scientifiques ne se sont pas limités aux modèles animaux.
Chez certaines patientes atteintes d’un cancer du sein agressif,
des niveaux élevés d’acide linoléique et de
FABP5 ont été détectés dans le sang. Ces
observations renforcent la cohérence biologique des résultats
obtenus en laboratoire. Elles suggèrent que ce mécanisme pourrait
aussi être actif chez l’être humain, sans pour autant prouver un
lien de causalité directe. Les chercheurs insistent sur la
nécessité de poursuivre les études cliniques pour mieux cerner ces
interactions complexes.
Les limites méthodologiques à prendre en compte
Malgré leur intérêt, ces travaux reposent principalement sur des
modèles précliniques. Les conditions expérimentales, notamment les
doses d’huiles végétales administrées, ne
reflètent pas toujours une alimentation humaine classique.
De plus, les cancers du sein forment un ensemble hétérogène, et ces
résultats concernent surtout le cancer du sein triple
négatif, qui représente environ 15 % des cas. Les
scientifiques rappellent donc que ces données doivent être
interprétées avec prudence et replacées dans un cadre plus
large.
Les implications alimentaires et les
recommandations actuelles
Les huiles de cuisson dans l’alimentation moderne
Les huiles de cuisson comme celles de
tournesol, de soja ou de maïs sont largement utilisées dans
l’industrie agroalimentaire et la cuisine domestique, rapporte
Doctissimo. Elles contiennent
des quantités importantes d’acide linoléique, un
oméga-6 essentiel au fonctionnement de l’organisme. Toutefois, les
régimes occidentaux actuels apportent souvent ces graisses en
excès, notamment via les produits ultratransformés. Ce déséquilibre
entre oméga-6 et oméga-3 pourrait contribuer à des phénomènes
inflammatoires chroniques associés à diverses pathologies.
Les contradictions avec les études épidémiologiques
Les grandes études de population n’ont pas établi de lien clair
entre la consommation d’acide linoléique et le
risque global de cancer du sein. Certaines
analyses suggèrent même un effet neutre, voire protecteur, dans la
population générale. Ces divergences s’expliquent par la difficulté
à isoler un nutriment unique dans des régimes alimentaires
complexes. Elles soulignent aussi l’importance d’étudier les
sous-types de cancers séparément, ainsi que les profils biologiques
individuels des patientes.
Les conseils des experts pour éviter l’alarmisme
Les spécialistes appellent à ne pas bannir les huiles de cuisson végétales,
mais à privilégier la diversité et la modération. Des alternatives
comme l’huile d’olive, plus riche en graisses mono-insaturées, sont
souvent recommandées. Les organisations de prévention rappellent
que l’obésité, la sédentarité et l’alimentation
globalement déséquilibrée constituent des facteurs de risque bien
plus établis que la consommation isolée d’acides
gras. Une alimentation variée, riche en fruits et légumes,
reste la base des recommandations actuelles.