Odeur corporelle et amitié : ce facteur inconscient qui
orienterait le choix de nos amis
On a tous connu ce déclic étrange : une rencontre, un
échange de regards, et ce sentiment d’évidence avec quelqu’un qu’on
ne connaît pas encore. Les scientifiques parlent parfois de « coup
de foudre amical ». Une équipe de l’Institut Weizmann en Israël
s’est penchée sur ce phénomène, avec une approche très concrète
publiée dans la revue Science Advances.
Leur intuition ? Derrière l’alchimie, un indice biologique
discret, perçu sans que l’on s’en rende compte, pourrait peser dès
les premières minutes. Leur protocole, volontairement inhabituel, a
livré des résultats qui questionnent nos certitudes. La suite
étonne, et pour cause.
Étude Weizmann : quand l’odeur corporelle rencontre
l’amitié
La piste explorée est claire : la similarité
d’odeur corporelle pourrait orienter nos
affinités. Les chercheurs ont recruté 20 paires d’amis du même sexe
(10 hommes, 10 femmes), âgés de 22 à 39 ans. Chacun a dormi avec un
t‑shirt en coton en respectant des consignes strictes : pas de
parfum, ni d’odeurs de cuisine, ni d’animal
domestique. Les t‑shirts ont ensuite été analysés par un
nez électronique à dix capteurs, dont cinq
sensibles aux effluves corporels, pour cartographier une « signature
chimique » propre à chacun.
« Les mammifères terrestres non-humains se reniflent constamment
et, en fonction, décident de qui sont leurs amis ou ennemis », ont
conclu des chercheurs du Weizmann Institute of Sciences, cités par
Grazia. Ici, la machine a montré des signatures olfactives plus
proches chez les amis que chez des duos formés aléatoirement. Et 25
volontaires humains, invités à sentir les t‑shirts, ont abouti à la
même tendance.
Jeu du miroir et prédiction à 71 % : vers une “chimie
sociale” mesurable
Pour écarter l’idée que des amis finissent juste par se
ressembler à force de partager lieux et repas, un deuxième test a
été imaginé. Dix-sept inconnus ont formé 66 binômes (45 féminins,
21 masculins) pour un « jeu du miroir » : deux minutes à
50 cm de distance, à imiter les gestes de l’autre, sans
parler. Les participants ont évalué la qualité de l’interaction et
déclaré, ou non, un « coup de foudre amical ». Leurs t‑shirts ont été
passés au nez électronique.
Les données sont nettes : les binômes déclarant un « clic »
mutuel présentaient des odeurs plus proches que les autres. Comme
l’a résumé Inbal Ravreby, l’une des autrices : « la seule
similitude d »odeur corporelle chimique permet de prédire avec
71 % de précision si des personnes totalement
inconnues vont immédiatement s’entendre ou non ».
Quel poids réel de l’odeur corporelle
dans le choix de nos amis ?
Les auteurs restent prudents : en conditions de
laboratoire, sans parole ni contexte social, cet indice peut
prendre une place exagérée. Dans la vraie vie, le langage,
l’humour, les valeurs et les circonstances comptent lourd, et
l’odeur n’est qu’un signal parmi d’autres, probablement traité en
arrière‑plan. Reste que chez l’humain, l’olfaction sociale n’est
pas anecdotique : le lien mère‑nouveau‑né en est
l’illustration la plus connue.
Autre nuance rappelée par l’équipe : des amis partagent des
environnements et des habitudes, ce qui peut rapprocher leur
« signature chimique ». Le « jeu du miroir » visait justement à
observer l’effet avant qu’il ne se mette en place. À ce stade, le
message est mesuré : l’odeur corporelle peut
influencer le choix de nos amis, sans le
déterminer. Un indice de compatibilité, discret mais réel, que
notre nez, sans y penser, semble capter.